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LES SÉFIROT SONT
TIRÉES DE LA BIBLE
Rappel
Rappelons ici que
c'est dans le livre de la Formation ou Séfer Yetsirah qu'on
parle pour la première fois de séfirot, en tant que "nombres"
participant à la création de l'Univers (premiers siècles de l'ère
courante). Puis le Bahir, le livre de la Clarté (Roussillon 12ème
siècle) en parle en tant qu'attributs divins. Mais il faut
attendre la fin du 12ème siècle pour qu'Isaac
l'Aveugle en fasse une présentation ordonnée telle que nous la
connaissons (Gérone). Moïse de Léon a construit le Zohar, le
livre de la Splendeur, autour de ces dix entités, bien qu'il ne
les désigne pas nommément (Castille 1280). Plus tard Cordovero
précise la construction d'un Arbre de Vie et développe toute
une théosophie dans le Palmier de Déborah (1549).
Préliminaires
D'après un spécialiste
du mysticisme de la Qabalah, Gershom Sholem, le monothéisme ne
peut trouver sa véritable raison d'être que dans une tension et
un va-et-vient entre les deux pôles extrêmes du tout ou rien.
"Tout" est l'adhésion totale au divin ou la recherche
du divin en toute chose, entraînant de ce fait les avatars de
l'idolâtrie et du polythéisme. "Rien" est la vacuité
de toute spiritualité, la négation de toute transcendance, la
matière étant origine et fin. Liés à la recherche
d'absolu, ces deux pôles extrêmes engendrent les intégrismes
et la violence. La spiritualité du monothéisme est une
recherche du divin, à travers ses deux aspects transcendant et
immanent, excluant de se fixer à l'un ou l'autre des pôles extrêmes.
Elle implique le mouvement et la mobilité de l'être, à la
recherche de la zone d'équilibre et d'apaisement personnel entre
les extrêmes, tout en évitant de s'en approcher.
La Tradition de
la Qabalah qui n'est qu'une tendance de "la stricte voie
tracée", offre précisément à chacun la possibilité d'évoluer
dans le sens de l'équilibre, par la construction d'une
arborescence appelée "Arbre de Vie" et par le
cheminement dans ses sentiers, dans le but de sentir et de repérer
la voie du milieu. Elle offre la possibilité de discerner entre
les dualités qui nous habitent, tant sur le plan pratique que
sur le plan éthique. L'être humain baigne dans le mélange du
bien et du mal, agit avec intuition et jugement, réagit
par la rigueur et la miséricorde, vit à travers des
comportements actifs et passifs, masculin et féminin... Encore
faut-il en être conscient.
La connaissance
du divin passe par la connaissance de soi, mais on peut aussi
inverser la proposition. La démarche de réflexion et de
cheminement liée à l'Arbre de Vie pose un acte et crée des repères,
facilitant de ce fait la relation avec le divin. Celle-ci est une
vibration autorisant une approche, un simple effleurement.
On peut appréhender
l'Arbre de Vie comme un modèle de l'esprit se reflétant dans
tous les actes de la vie matérielle ou comme une transposition
des archétypes humains dans un univers aux limites du cerveau
humain, allant jusqu'aux frontières du divin. Appelé monde
intermédiaire, cet espacement est le résultat de séparations
successives résultant du processus de la création et de l'éloignement
progressif du divin. Comparable à un sas entre le monde
spirituel et le monde matériel, ce monde est inaccessible au
profane. Mais un individu préparé peut le sentir, le percevoir
ou s'en rapprocher.
L'infini "ayn
sof" est une "unité sans limite" qui règne dans
l'éternité. Cette unité est aussi une volonté sans finalité,
sans besoin et sans détermination. De cette volonté naît la
pensée ou le projet de créer l'univers: l'origine du déclic
est la Cause des Causes, le secret absolu et insondable, la
grande interrogation qui sépare la foi de l'incrédulité. Le résultat
de cette pensée est ce double mouvement simultané de retrait et
d'émanation, qui équivaut en fait à une immobilité sur le
plan ontologique. Le mouvement de retrait aboutit à faire le
vide, à obtenir le "néant" et à laisser une place à
la création. Le mouvement inverse est celui de l'émanation qui
aboutit à remplir ce néant de lumière, une "lumière sans
limite". C'est la "Sagesse du Commencement".
Globalement l'"unité
sans limite" s'est déjà retirée dans son immobilité, en
ne laissant qu'une "trace", presque un souvenir que
l'homme fait revivre par son action et par sa propre pensée. D'où
le schéma d'un Arbre de Vie, agencement spécifique des "attributs"
du divin, de cette trace du "sans limite", pour la
saisir ne serait ce qu'un instant, une fraction de seconde avant
qu'elle ne s'évanouisse dans la nuit du temps. L'être humain
cherche à conserver cette petite parcelle de lumière, cette étincelle
qui lui est parvenue. Il cherche à la faire vivre à travers les
branches et les noeuds de cet "Arbre de Vie", appelés
lettres et séfirot.
Sur le plan matériel,
l'être humain est un être fini qui ne peut réaliser cette
sauvegarde qu'avec ses limites. Il est ainsi amené à illustrer
le fond de sa pensée par des images et des schémas. Mais
comment représenter l'idée que l'on se fait d'émanations, de
flux de lumière, d'écoulement de rosée, d'attributs émanant
d'un être infini, à la fois lointain et proche, sans tomber
dans l'anthropomorphisme? Et il est encore plus difficile
d'exprimer en langage humain compréhensible l'idée que l'on se
fait de la pensée de D. eu égard au monde créé.
La Tradition a
essayé de combler ce fossé en proposant cette notion de "séphirah"
qui a reçu les désignations les plus étranges et les plus poétiques:
parole, lumière, force, source, saphir, mesure, couronne
.
Ce mot dérive de la racine s/p/r qui a plusieurs sens: numération
(nombre, recensement), narration (récit, livre), transparence (saphir,
sphère). Pour se fixer les idées on peut dire que les séfirot
sont les vases créés par l'épanchement de la lumière
originelle, celle qui provient du mouvement de retrait et d'émanation
de l'unité "sans limite". Ces vases sont aussi bien
des récepteurs que des transmetteurs, aussi bien des récipients
que des outils de la création.
Tant les lettres
de l'alphabet peuvent être aisément appréhendées comme les
briques élémentaires du langage, de la création et de
l'action, dans la construction de l'univers, tant les séfirot
apparaissent comme des entités abstraites, difficiles à
concevoir. Plus l'être humain parvient à élever son âme et à
tendre vers son côté infini, plus il est capable de les sentir
ou de les comprendre. En fait, il faut savoir ici que le monde
intermédiaire des forces-séfirot et des signes-lettres coïncide
avec le monde des anges et des âmes, qui sont deux aspects d'une
même unité, à l'image de la lumière qui est à la fois ondes
et particules.
L'Arbre de Vie
est la construction centrale de la Qabalah. Il est une image
universelle de l'unité fracturée dans le décimal. Pour se
fixer les idées, le nombre dix peut être représenté par des
choses aussi concrètes que des oiseaux ou des fruits; ici il
s'agit de notions abstraites comme la sagesse, la compassion ou
le discernement.
Malgré ou grâce
à son anthropomorphisme, l'Arbre de Vie est une image qui plaît.
Elle est comme une empreinte subtile que le monde spirituel a
laissé dans le subconscient de l'homme, ou dans sa mémoire
profonde. Des approches différentes sont pourtant nécessaires
pour en préciser le contour, même si on est amené à se répéter.
Nous abordons ci-dessous une approche à travers les premières
occurrences des mots dans la Bible, ainsi qu'une approche sémiologique
qui la complète.
Kéter
"Kéter",
la couronne, n'est citée que trois fois dans la Bible. Ces trois
citations proviennent du livre d'Esther et à chaque fois le mot
Kéter est associé à Malkhout, le Royaume. Dans ces trois et
seules citations de la couronne, la première et la dernière séfirah
sont ainsi unies. "Kéter Malkhout" est la couronne
royale avec laquelle la reine Vashty devait se présenter devant
le roi Assuérus, quand elle était invitée au banquet des
hommes (Esther 1/11).
Esther 1/11: (le
roi ordonna) "d'amener devant le roi la reine Vashti, ceinte
de la couronne royale, dans le but de faire voir sa beauté au
peuple et aux grands, car elle était remarquablement belle".
Après son refus
de venir nue devant le roi, Vashty fut répudiée et sa couronne
fut transmise à la belle Esther, après de nombreuses péripéties
(Esther 2/17). Enfin, malgré la haine de Haman contre le peuple
hébreu en général et contre Mordekhay en particulier, et malgré
ses projets funestes d'extermination, Mordekhay a été honoré
par le roi pour avoir su déjouer un complot contre lui. En récompense,
Mordekhay devait faire le tour de la ville sur un cheval royal,
avec la Couronne Royale et conduit par son ennemi Haman (Esther 6/8).
La couronne royale est ainsi liée à la célébration
de Pourim, pour fêter "le changement du sort (pour)", le renversement
d'une situation. Ces occurrences et le lien étroit entre les deux séfirot Kéter
et Malkhout ne sont pas fortuits. Malkhout est considérée parfois comme la couronne
du bas et elle est ainsi appelée "a'théret". Ces associations signifient
que de Kéter à Malkhout, on se trouve devant la même unité. La descente de Kéter
à Malkhout entraîne aussi la remontée de Malkhout vers Kéter; il ne s'agit pas
d'un aller simple mais d'un aller et retour. Ceci est confirmé par l'équivalent
guématrique de "Kéter" qui vaut 620, soit le mot "e'srim"
ou 20. Vingt est le nombre de séfirot dans le voyage aller et retour.
Sur le plan sémiologique, Kéter est le "signe
dans l'arrondi", le couvre chef qui protège et qui sépare, formant la haie
du Roi, entre un monde à part et secret et le début de l'univers divin. Kéter
est l'attribut suprême, resplendissant dans son silence, à la fois pressant
vers le bas et limitant le champ de l'ascension. La Couronne Kéter délimite
le monde intermédiaire et protège l'accès à l'univers d'en Haut. Cette protection
pourrait être une explication du renversement de situation, le sens profond
de la transformation du sort ou "pour" de Pourim.
H'okhmah, la Sagesse, est citée plus de 150 fois dans
la Bible-Tanakh, mais seulement dix fois dans le Pentateuque. La première occurrence
de H'okhmah se trouve dans Exode 28/3: "Tu
enjoindras donc à tous les artistes habiles, que j'ai doués du génie de l'art,
qu'ils exécutent le costume d'Aaron, afin de le consacrer à mon sacerdoce"
Il s'agit des
recommandations données à Moïse pour confectionner l'habit du
grand prêtre Aharon. Cet habit doit être réalisé par des
artistes inspirés dont le cur aura été rempli de l'"esprit
de sagesse".
Les autres
citations de l'Exode concernent la conception et la construction
de la tente du Rendez Vous et des différents objets et
ustensiles pour le culte. Les qualités ou attributs de "Sagesse
Intelligence (discernement) - Connaissance" sont liés
dans ces citations. Ces qualités sont attribuées en particulier
à deux hommes Oholiav et Betsal-el, mais aussi à tout artiste,
homme ou femme, dont le cur aura été rempli de l'esprit
divin.
Le premier verset
du Deutéronome contenant la H'okhmah concerne l'observance et la
pratique des lois et des statuts; celles-ci confèrent au peuple
hébreu à la fois la Sagesse et le Discernement (Deutér 4/6).
Dans le second verset (Deutér 34/9), Josué fils de Noun est
investi comme héritier de la tradition mosaïque, car il est
plein de l'esprit de sagesse.
Dans les autres
parties de la Bible, les trois attributs cités ci-dessus sont
repris pour qualifier les artisans du Temple de Jérusalem,
Salomon et Hiram, mais aussi la reine de Saba. La plupart des
autres citations se trouvent dans les deux livres attribués au
roi Salomon, l'Ecclésiaste et les Proverbes, ainsi que dans le
livre de Job.
Sur le plan sémiologique,
H'okhmah est un questionnement sur l'existence, le point de départ
de la création et la chaleur du début. Les qabalistes y ont vu
le Père "aba", le point yod, germe créateur.
Ainsi l'attribut
Sagesse est étroitement lié au cur qui se remplit de
l'esprit divin. Il est conféré aussi bien à des hommes qu'à
des femmes. Cette Sagesse préside à la conception et à la
construction de la Tente du Rendez Vous et du Temple de Jérusalem,
microcosmes à l'image du macrocosme. L'observance des
commandements par le commun des mortels mène à cette Sagesse,
et aussi au Discernement, séfirah suivante.
D'après la
tradition, la Sagesse s'acquiert par la crainte de D., mais comme
toutes les qualités il ne faut pas en abuser. L'exagération
dans la Sagesse mène à la vanité et au chagrin. Parfois un peu
de folie a plus de poids qu'un excès de Sagesse.
Mais la Sagesse
reste néanmoins du côté de la miséricorde.
Binah est le
Discernement et cette séfirah apparaît pour la première fois
dans le Deutéronome 4/6 cité ci-dessus. La Sagesse et le
Discernement sont les deux attributs auxquels peuvent accéder
ceux qui observent et pratiquent les commandements. C'est la
seule occurrence dans le Pentateuque.
Deutéronome 4/6:
"Observez les et pratiquez les! Ce sera là votre sagesse et
votre intelligence aux yeux des peuples, car lorsqu'ils auront
connaissance de toutes ces lois, ils diront: "Elle ne peut
être que sage et intelligente cette nation!"
Il y a une
quarantaine de références bibliques surtout dans Job et les
Proverbes, toutes liées à la compréhension des choses avec les
limites du cerveau.
L'autre désignation
rencontrée est Tvounah, l'intelligence, terminologie très
voisine de Binah.
Le discernement suggère une "pensée construite":
comme on édifie une maison à partir d'une fondation, comme on élève son enfant,
on construit un raisonnement. Pour comprendre le sens intime des choses, on
commence par un ordre logique, on y ajoute du bon sens, avec comme but suprême
la connaissance du divin. La connaissance de Soi en découle. On discerne
une parole à partir d'une autre parole à travers sa propre intériorité et le
concept prend alors naissance progressivement. Binah implique la rigueur du
raisonnement et du jugement.
Sur le plan sémiologique
Binah est l'intériorité dans la connaissance du divin.
Les qabalistes y
ont vu la mère "ima", la matrice des sept attributs
suivants, le souffle créateur et le signe du féminin. Elle est
la porte de passage vers le monde supérieur, interdit au commun
des mortels.
Daa't , la
connaissance n'est pas un attribut en soi et n'est pas décompté
parmi les dix séfirot. Il résulte d'une synthèse entre les
deux séfirot précédentes H'okhmah et Binah. Dans certaines
constructions de la Qabalah, Daa't est mis en avant à la place
de Kéter. La "connaissance du divin" résulte d'une
fusion harmonieuse de la Sagesse et du Discernement.
La première
occurrence du mot "Daa't" est précoce puisqu'elle
apparaît au début de la Genèse. Genèse 2/9: "L'Eternel
fit surgir du sol toute espèce d'arbres, beaux à voir et
propres à la nourriture; et l'arbre de vie au milieu du jardin,
avec l'arbre de la connaissance du bien et du mal"
Elle désigne un
arbre à l'intérieur du jardin d'Eden. Cette citation est suivie
de l'interdiction de manger du fruit de l'Arbre de la
connaissance du Bien et du Mal, sous peine de mourir (Gen 2/17).
Puis Adam contrevient à cette interdiction et acquiert ainsi la
même connaissance que le divin. Puis il s'apprête à manger de
l'Arbre de Vie qui lui confère l'immortalité (Gen 3/22). Comme
en Eden la connaissance et l'immortalité sont antinomiques, Adam
a été amené à choisir la finitude de la vie avec le mélange
du bien dans le mal.
Les autres
citations bibliques confirment que Daa't désigne la connaissance
du divin, conférée à certains êtres pour qu'ils puissent réaliser
sur terre des uvres symboliques et significatives à
l'image d'un monde supérieur (Tente du désert, Temple de
Salomon).
Sur le plan sémiologique,
Daa't est la porte qui s'ouvre sur les origines et la source du
signe, ou vers le temps "hors du temps", l'infini.
Daa't est le delta ou le triangle lumineux, le passage de la lumière
descendante ou de celle qui remonte quand elle est amplifiée par
l'action humaine.
La miséricorde
H'essed est citée près de 250 fois dans la Bible mais la première
citation se trouve dans la Genèse et concerne les relations
entre le patriarche Abraham et sa femme Sarah. Quand il entre à
Gerar, au royaume philistin d'Abimelekh, pour y demeurer, Abraham
demande à Sarah, comme une faveur, de le présenter aux autorités
locales comme étant son frère et non comme son mari. En effet,
il était d'usage à cette époque qu'un roi local s'empare d'une
belle femme et tue son époux; par contre, si l'homme qui
l'accompagne n'est que son frère, il est épargné. Abraham
demande ainsi la miséricorde à sa femme, la vie sauve. De plus
ce n'était pas un mensonge, car Sarah était la fille de son père
(et non de sa mère) et à cette époque, l'union était autorisée
dans cette configuration.
Genèse 20/13: "Or
lorsque D. me fit errer loin de la maison de mon père, je lui dis (à Sarah):
voici la grâce que tu me feras. Dans tous les lieux où nous irons, dis que je
suis ton frère!"
La citation qui
suit se situe dans le même contexte du trio Abraham - Sarah -
Abimelekh mais cette fois-ci, Abimelekh, dont la cour est
atteinte d'une grave épidémie et qui est lui-même menacé de
mort par l'Ange divin, renonce de ce fait à ravir Sarah à son
époux. Souhaitant s'installer dans la région, Abraham creuse un
puits dont les Philistins s'emparent. Il se plaint auprès
d'Abimelekh. Pensant avoir agi correctement à son égard,
puisqu'il ne lui a pas ravi Sarah, Abimelekh exige d'abord
d'Abraham un serment de fidélité, avant d'intervenir pour le
puits. Abraham lui offre alors sept brebis comme gage du serment,
mais aussi comme preuve qu'il a creusé un puits et que celui-ci
lui appartient; c'est le "serment au puits" de Beer
Shewaa'.
La miséricorde
de la première occurrence est en fait la grâce. Celle de la
seconde est la "faveur du ciel", puisque grâce à
l'ange divin qui a menacé de mort Abimelekh, le couple
patriarcal a été épargné. Abimelekh a accaparé la grâce
divine pour la mettre en avant et obtenir le serment d'Abraham (Genèse
21/23).
Dans les autres parties de la Bible, H'essed est la
grâce qui fait suite à une injustice ou qui précède un voeu, une prière, une
supplication. Elle est liée à la piété, la bonté, la charité, la bienveillance,
l'affection, la reconnaissance, la faveur, la pitié
Il s'agit toujours
d'une action ou d'un défaut d'action liés à un événement ou à une relation.
Il y a toujours une réciprocité ou un échange, et souvent la miséricorde est
liée à la recherche de la vérité "émet".
Sur le plan sémiologique, il s'agit d'un sentiment
qui "coule du sein, du cur", du sein maternel ou du cur
paternel. La cigogne qui est réputée avoir beaucoup d'affection et de charité
pour ses petits s'appelle "h'assidah". Un homme pieux et bon s'appelle
"h'assid".
Une mot voisin est employé au lieu de "h'essed",
"rah'amim", la compassion. Ici l'image est celle du vautour protégeant
ses petits ou la matrice donnant la vie. Ici aussi les premières occurrences
du mot dans la Genèse se trouvent dans des situations de relations tendues et
fortes, dans les rapports entre Joseph et son père Jacob et ses frères (Gen
43/14-30). Rah'amim est liée à l'indulgence, au pardon, à la pitié, à la clémence.
Ce mot apparaît une soixantaine de fois dans la Bible
et la première fois dans l'épisode du Veau d'Or. Moïse descend de la montagne
où il vient de recevoir les Tables de la Loi. Il entend les clameurs des Hébreux
et leurs chants. Il essaye de les interpréter, en écartant l'hypothèse de cris
ou de chants de la victoire. En fait, ce sont les hurlements affligeants d'une
décadence, du retour à l'adoration idolâtre. Les Hébreux viennent d'ériger un
veau d'or...
Exode 32/18: "Moïse
répondit: ce n'est point le bruit d'un camp de la gloire, ce
n'est point le cri annonçant une défaite, c'est une clameur
affligeante que j'entend"
Ici "gvourah"
exprime l'inverse du laisser aller, de l'indulgence, de la défaite.
Il s'agit de la rigueur de la force victorieuse.
La deuxième
occurrence se trouve dans Deutéronome 3/24 où la rigueur est liée
ici à l'action, et elle exprime la force et la puissance divine:
"Seigneur Eternel! Déjà tu as rendu ton serviteur témoin
de la grandeur et de la force de ton bras; et quelle est la
puissance dans le ciel ou sur la terre qui pourrait imiter tes
uvres et tes merveilles!"
La plupart des
mentions de Gvourah, la Rigueur, se trouvent dans les Prophètes
et les Psaumes et ont signification la force, la vigueur, la
gloire, la puissance, notamment celles de D.
Cet attribut est
également lié à la grandeur "gdoulah". Sur le plan sémiologique
"gvourah" est la force masculine du jeune adulte
sortant de l'adolescence et du milieu familial et allant
affronter les forces sauvages extérieures, le lion venu boire à
la source d'eau. Sur le plan symbolique, la rigueur de gvourah
est de couleur brune.
Gvourah et
gdoulah apparaissent avec les trois séfirot suivantes dans 1Chroniques
29/11 où David parle de D. devant l'assemblée d'Israël. Il
semble ainsi de ce fait que les séfirot ou attributs divins
aient pris forme à l'époque de la rédaction des Chroniques,
soit 4/5 siècles avant l'ère courante.
Les deux premières
occurrences de Tifeéret, la Beauté se trouvent dans l'Exode
pour qualifier le vêtement sacré du grand prêtre Aharon et de
ses fils. Tifeéret est le symbole de la majesté de la fonction
de prêtres, car, à travers le sacerdoce, ces hommes sont
consacrés à D. Ils doivent être le reflet de la beauté et de
la majesté divine.
Exode 28/2-40: "Tu
feras confectionner pour ton frère Aharon des vêtements sacrés,
insignes d'honneur et de majesté" - "Pour les fils
d'Aharon également tu feras des tuniques, et pour eux aussi des
écharpes, puis tu leur feras des turbans, signes d'honneur et de
dignité"
Aharon et ses
fils portent ces vêtements, décrits et confectionnés avec
beaucoup de précision, avant d'entrer dans la Tente du Rendez
Vous ou lorsqu'ils s'approchent de l'autel.
On rencontre une
cinquantaine d'autres citations essentiellement dans les Prophètes,
les Proverbes et les Chroniques pour signifier la parure, le décor,
l'ornement, la gloire, la beauté, la lumière, la magnificence.
Au centre de
l'Arbre de Vie, "Tifeéret" est souvent liée à la
couronne d'en Bas "Malkhout" représentée par
l'expression "athéret". Elle est parfois aussi associée
aux deux séfirot du niveau prophétique "Netsah'" et
"Hod", quand on parle du roi David.
Sur le plan sémiologique,
Tifeéret est le signe de la lumière qui traverse, incidente ou
réfléchie par le miroir d'en Bas, Malkhout. Attribut central,
la Beauté est le lien entre le haut et le bas de l'Arbre de Vie.
Tifeéret amplifie la lumière qui la traverse et cette lumière
est aussi le verbe, la parole, la prière
Les qabalistes y
ont vu l'aspect immanent et masculin du divin, le Prince, et
aussi le lien central Waw du tétragramme "yod-hé-waw-hé".
Netsah'
La première
occurrence de cet attribut est tardive puisqu'on ne la trouve que
dans le livre de 1Samuel 15/29: "du reste le protecteur
d'Israël n'est ni trompeur ni versatile, ce n'est pas un mortel
pour qu'il se rétracte
"
Cet attribut est
"le protecteur d'Israël". Les circonstances de
l'occurrence de Netsah', la Victoire, sont liées au péché du
premier roi d'Israël, Saül. Le roi regrette déjà sa
transgression et la confesse à son protecteur, le juge Samuel.
Celui-ci lui annonce alors que D. lui arrache la royauté qu'il
lui avait accordée, non par versatilité, mais pour "protéger
Israël". Saül venait d'épargner Agag, roi d'A'maleq,
ennemi implacable d'Israël (ennemi intérieur ou extérieur).
Samuel accomplit l'acte que Saül, par peur ou par faiblesse, ne
réussit pas accomplir, "tuer A'maleq", obtenir la
"Victoire" sur lui! A'maleq représente le mal absolu
extérieur ou en soi. Si A'maleq est épargné, Israël est en
danger. D. apparaît ici comme le protecteur d'Israël.
Or Netsah' signifie Victoire, ou la durée, l'éternité.
Quels en sont les rapports avec cette protection? D. est la victoire contre
l'Autre Côté, le Mal, et ceci dans la durée, éternelle, infinie et dans le but
de protéger Israël. Netsah' est la victoire sur l'impureté de la mort. Netsah'
est un attribut du côté de la miséricorde, il est aussi la victoire durable
de l'innocence.
Sur le plan sémiologique,
Netsah' est la lumière qui brille d'une façon claire et
limpide, la lumière primordiale et éternelle. Sur le plan
symbolique, on a l'image du faucon (nets) sur la muraille (h'et),
celle de la Victoire et de l'Eminence.
Les qabalistes y
ont vu les lèvres qui s'entrouvrent pour prier, le début de
l'esprit prophétique, la victoire sur ses propres instincts maléfiques.
La première
occurrence de Hod, la réverbération se trouve dans Nombres 27/20:
"Tu lui communiqueras une partie de ta majesté, afin que
toute l'assemblée des enfants d'Israël lui obéisse", au
moment où D. recommande à Moïse, avant sa mort, de transmettre
à Josué une partie de sa splendeur.
La vingtaine
d'autres citations se trouvent dans les Prophètes, les Psaumes
et les Chroniques et ont pour sens la majesté, la gloire, l'éclat,
la magnificence et la splendeur.
Le mot "hod"
a pour sens commun la résonance, la réverbération avec un lien
avec la parole prophétique qui se transmet grâce au charisme ou
à l'exaltation ou par un être dont l'âme est élevée. Hod est
aussi le halo de l'action humaine, qu'elle soit prière, étude
ou générosité envers l'autre; il est aussi l'écho attendu de
cette action.
Sur le plan sémiologique
"hod" est à la fois une fenêtre et une porte, une fenêtre
laissant passer le souffle de l'esprit ou une porte ouverte vers
l'extérieur. La qabalah a vu dans hod le niveau de la voyance,
l'esprit saint, l'attribut lié à l'archange Michaël, celui qui
protège Israël.
Hod est du côté de la rigueur et des honneurs, c'est
aussi un écho pesant de la gloire ou la lourde résonance d'une majesté.
La première
occurrence parmi la vingtaine de citations bibliques se trouve
dans Exode 29/12: "tu prendras de son sang, que tu
appliqueras sur les cornes de l'autel avec ton doigt: et le reste
du sang tu le répandras dans la réceptacle de l'autel". Yésod
désigne le réceptacle du sang du sacrifice, le fondement de
l'autel.
Les autres
citations ont pour sens le fondement ou la restauration de ce
fondement.
Sur le plan sémiologique,
Yésod a pour sens la "réalisation du secret" , c'est
à dire sa transformation concrète par la révélation. La
centralité de cet attribut divin le désigne comme un passage
vers le monde humain, à travers la dernière séfirah Malkhout,
le Royaume.
Les qabalistes y
ont vu le Yod d'en Bas, l'immanence du divin par sa divulgation,
mais aussi, le niveau du Juste, fondement du monde créé. Yésod
est l'exutoire des épanchements supérieurs avant leur déversement
dans la dernière séfirah Malkhout.
Le royaume
Malkhout est cité plus de cent fois dans la Bible. La seule
citation du Pentateuque est dans Nombres 24/7: "La sève
ruisselle de ses branches (Bilaa'm prophétisant et parlant
d'Israël), et sa graine est abondamment arrosée, son roi est
plus grand que n'est Agag (roi d'A'maleq), sa royauté est
souveraine!
".
Bilaa'm est un prophète étranger chargé par le roi
Balaq de maudire Israël. Or, de ses lèvres sortent des paroles de bénédiction.
Comme pour la première séfirah Kéter, on assiste ici aussi à "un renversement
du sort", du destin d'Israël.
La plupart des autres citations sont dans les Psaumes
pour désigner le Royaume de D., mais aussi dans Esther, comme on l'a vu ci-dessus
avec Kéter, dans Daniel et les Chroniques. Le sens commun de Malkhout est aussi
bien la royauté que le royaume.
Sur le plan sémiologique
Malkhout est l'élévation de la matière par le signe, c'est à
dire que le monde matériel s'élève par l'étude des symboles
et des signes cachés.
Les qabalistes y
ont vu l'aspect féminin de l'immanence divine ou Shékhinah, le
"hé" du bas, l'exutoire de tous les flux de l'Arbre de
Vie, la Communauté d'Israël
Cette séfirah
est aussi appelée "a'théret" ou diadème, la couronne
d'en Bas. Elle entoure la Présence divine ou Shékhinah comme
d'un lit de fleurs. A ce niveau se situe l'âme vitale "néfesh",
l'âme animale, premier niveau de prise de conscience dans le
processus d'élévation.
Au terme de ce parcours, on peut noter la différence
numérique entre les valeurs de Kéter (620) et de Malkhout (496) qui est de 124,
soit la définition même de la structure de l'Arbre de Vie: l'unité du concept
divin, la dualité des pôles entre lesquels on se meut dans les différents sens
(bas-haut, gauche-droite), le ternaire des trois colonnes dont celle de l'équilibre
central (1+2), le quaternaire par le nombre des univers successifs parcourus,
de la conception à l'action en passant par la création et par la formation.
La valeur numérique 124 est aussi celle de deux mots significatifs: "e'den",
le jardin qui coïncide avec le monde intermédiaire que nous venons de parcourir
et qui est le refuge des qabalistes et de ceux qui entreprennent l'ascension
de l'Arbre; et "lapid", la torche ou la lumière nécessaire pour éclairer
l'ascension mais aussi celle qui est reflétée par ces êtres hors du commun,
les Justes, dont le visage resplendit comme une torche.
Albert SOUED - février 1995
Nota:
ce développement sur les séfirot est personnel et, en particulier, l'analyse
biblique des séfirot n'est pas tirée d'une source qabalistique, mais s'en inspire.
Voir aussi: les définitions de la qabalah
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