LE PROCESSSUS DE RAPPROCHEMENT et d' ÉLOIGNEMENT du DIVIN

 

 

La mystique du monothéisme hébreu consiste dans un double mouvement de rapprochement et d'éloignement par rapport au divin.

Un rapprochement antique consistait dans des sacrifices d'animaux, par l'envoi d'âmes animales et d'"odeurs" de viande grillée dans l'univers d'en haut, pour assurer le contact. Avec la destruction du 2ème Temple de Jérusalem (1er siècle), cette pratique a cessé.

Déjà deux siècles auparavant on avait commencé à prier en groupe dans une synagogue. La prière est un processus de rapprochement plus lent que le sacrifice et qui doit être pratiqué en groupe (minimum 10) pour en renforcer l'élan et obtenir un écho.

Comme expression d'amour du divin, l'étude des textes s'est surtout développée pendant l'exil de 2000 ans. Elle se pratique autour d'un maître dans des "assises" ou "yéshivot", et se prolonge par des perfectionnements en duo ou trio.

A contrario, la méditation était pratiquée discrètement en petits groupes secrets ou individuellement depuis fort longtemps (le patriarche Isaac méditait dans les champs, le roi Salomon et son architecte Hiram faisaient partie d'un groupe d'étude et de méditation, …).

 

Le désir de rapprochement du divin suppose l'existence ou l'apparition d'un sentiment d'amour envers l'absolu. Ce désir doit être accompagné d'un sentiment de crainte (et de respect), afin de pouvoir trouver pour soi-même et par l'éloignement, la juste distance à établir entre les deux extrêmes. La fusion en D. (tout) et l'absence de D. (rien) sont considérées toutes deux comme répréhensibles par la Tradition qui exclut tout intégrisme ou absolutisme ainsi que tout athéisme ou tout agnosticisme, car il s'agit bien d'une foi dans la mesure.

 

La qabalah est ce qu'on reçoit de la tradition ancestrale et qu'on accepte; c'est à dire, l'interprétation ésotérique des textes d'abord, ensuite un comportement équilibré ou neutre entre la rigueur et la miséricorde et enfin une quête de vision et d'extase pour les initiés.

Sur le plan éthique, la qabalah, permet de discerner entre le vrai et le faux et de parvenir à trouver la voie du milieu, entre le jugement et la compassion. Sur le plan psychique, la qabalah apporte le soutien pour arriver à se connaître, à s'accepter et donc à respecter autrui. Sur le plan de la vie de tous les jours, les techniques de concentration mènent à la tranquillité intérieure, voire à un certain ravissement.

 

Selon la Torah, le monothéisme est né à Our Qasdim (Chaldée) en pleine idolâtrie, par une révélation d'Abraham, il y a 3500 ans. La qabalah s'est développée parallèlement, passant par Beer Shewaa', l'Egypte, Jérusalem, la Provence, l'Espagne et Safed.

 

Données de base

 

La création de l'univers est une œuvre divine et son maintien est une œuvre humaine. D. est appelé dans la Torah "éhyeh asher éhyeh" ou "je serai celui qui sera" (Exode 3/14). En fait sur le plan sémiologique, il s'agit de l'unité (aleph) qui assure la pérennité du germe créatif (yod) baignant au sein de l'esprit ou du souffle divin (hé).

D. a créé un ordre à partir du chaos. Il y a différents niveaux de chaos: "tohou wabohou"(esprit et souffle non extériorisés), h'oshekh (obscurité), téhom (esprit séparé de la matière). L'ordre vient de la lumière créée (aur). Au niveau humain, cette lumière est équivalente à la parole. L'homme dans l'univers est le véhicule de la lumière. Il maintient le monde dans l'ordre et l'empêche de revenir au chaos. Comment? Par la révélation (gilouy) du divin infini qui s'est voilé pour laisser la place à la création "finie". L'homme a pour mission de révéler l'unité du divin  (yih'oud), développant ses attributs (séfirot), comme s'ils étaient transposables à son échelle. Par le schéma de l'Arbre de Vie, la qabalah frôle l'anthropomorphisme afin d'expliquer la responsabilité de l'homme comme révélateur du divin. Par un va-et-vient constant, le cheminement à travers les attributs divins ou séfirot doit permettre à l'homme d'acquérir la connaissance pour reconstituer le nom divin (hashém). Le cheminement dans cet espace/temps intermédiaire entre l'humain et le divin, entre les deux séfirot extrêmes (kéter ou Couronne et malkhout ou Royaume) a pour but ultime la révélation du Nom, avec l'aide du Messie. Ce Nom ne se lit-il pas aussi "je serai le bonheur, je serai!"

 

Ascension spirituelle

 

Le monde intermédiaire est subdivisé de différentes manières selon le qabaliste qui l'appréhende. De haut en bas, on distingue le monde de l'émanation, appelé aussi "o'lam hamaskhel" ou monde de l'intellect, puis le monde de la création, appelé aussi "o'lam hamargesh" ou monde des émotions/sentiments, puis le monde de la formation, appelé aussi "o'lam haméthoubaa'" ou monde déterminé de la nature et enfin le monde du faire, de la fabrication ou de la matière, celui où nous vivons.

En sens inverse, si on souhaite se rapprocher du divin, à travers une vision par exemple, l'ascension passe aussi par des étapes, appelées "cieux". La quête passe d'abord par la raison avant d'être envahie par l'imagination, origine de la peur et du tremblement menant à l'extase. On descend dans les profondeurs de la pensée (larédet mah'shavah), avant de prendre son envol dans la "navette" (laa'lot merkavah), traversant les 7 cieux.

 

Français Hébreu Arabe
Quête Bqirah Bah'th
Amour Ahavah H'ob
Connaissance Daa't I'lm
Autonomie (non dépendance) Périshout Ifrad
Unité Yih'oud Itih'ad
Crainte (stupéfaction…) Pah'ad Khowf
Détachement (annihilation du Moi) Péshithout hagamour Ie'dam
Extase (rencontre avec le Soi…) Shaa'shoua'h Intishaa

 

 

Albert Soued

1er septembre 2003 – retour cours et conférences – aller vers séfirot , vers qabalah