Commentaires du Chapitre 4 de Séfer Yetsirah

Chapitre 4 versets 1/2

Ce chapitre est consacré aux 7 lettres redoublées et à leurs relations avec le macrocosme et le microcosme.

Elles sont appelées selon un moyen mnémotechnique habituel, "bégéd" et "kaporet", vêtement (du grand prêtre) et nappe propitiatoire (couvrant l'arche dans le Saint des Saints). Or ces deux mots ont un deuxième sens "trahison" et "reniement" (suivi d'expiation). Le texte précise bien qu'il a deux langues, un double langage.

Les sept lettres se prononçaient à l'origine de deux manières différentes, l'une douce et l'autre dure, l'une faible, l'autre forte. Seules trois lettres sont restées avec ces particularités: vet/bet, khaf/kaf et fé/pé. On ignore à ce jour, comment était prononcé le resh dur, mais en comparant avec l'arabe, on peut penser qu'il s'agit d'une sorte de zed, les deux prononciations étant groupées dans le mot riz (rez ou roz).

Sur le plan de la qabalah, on retrouverait ici une technique de méditation, le son dur et rapide correspondrait à la montée vers l'Arbre de Vie (ascension extatique), le son doux et lent à la descente. Quand on aime, on court vite vers l'objet du désir (ratsou), et on en revient plus lentement (washouv).

Le verset cherche à attirer l'attention du lecteur sur la dualité de la création et sur les antagonismes voulus dès les premiers instants: clarté/obscurité, transparence/opacité, dureté/douceur, force/faiblesse etc…Au chapitre 3, on avait une possibilité d'équilibre, même précaire, à travers un syllogisme (thèse, antithèse, synthèse), mais c'était le paradis! On trouve ici le choc des idées et le contraste des notions.

Il faut rappeler aussi la complémentarité à dix des deux premiers groupes de lettres, 3 et 7, qui sont des nombres premiers: trois ou "shalosh" implique une transmission (shin) et une élévation par l'étude (lamed), sept est une satiété et une plénitude, D. ayant vu que sa création était "bien" sept fois dans le récit de la Genèse, pas une fois de plus! Dix est alors la richesse, une totalité se ramenant à l'unité, une chaîne qui vient du fond de la mémoire et du cœur et qui se transmet par narration.

Les 7 notions mises en avant correspondent à tout ce que peut espérer un être humain créé (l'homme est engendré par la dualité sous la bénédiction divine Þ 3 séfirot supérieures), puis "formé" (dessiné et prenant forme progressive à partir de l'embryon Þ 7 séfirot inférieures). On verra ci-dessous que ces 7 notions ne suffisent pas pourtant à faire son bonheur.

Chapitre 4 verset 3

On décline ici 7 notions ou situations inverses caractérisant les sept lettres prononcées durement. Deux mots caractérisent ce verset: "davar", la chose, le propos et "tmourah", sa transformation ou sa transposition, soit la chose et son opposé. Si le but de l'être humain est d'être heureux, il faut qu'il soit confronté à la "chose et à son opposée", obtenue par transposition, afin d'en apprécier la mesure (c'est la dialectique du bien et du mal).

Ces deux mots ont des images sémiologiques, "davar" est lié à "midbar" le désert, "tmourah" est liée à tamar, le palmier-dattier. D'une part, la datte peut être aussi bien douce que âcre et l'on apprécie d'autant plus la douceur que lorsqu'on a goûté à l'âcreté. D'autre part, l'oasis de palmiers n'est pas autant appréciée que lorsqu'on vient d'affronter un désert.

Rien n'est plus sec qu'une notion unilatérale. Celle-ci ne prend de la consistance que quand elle est confrontée à la contradiction. Alors dioïque comme un dattier, elle peut porter des fruits, lorsque les deux variétés mâle et femelle sont dans le même verger. Les branches de l'une s'élèvent avec force vers le haut, celles de l'autre retombent avec tendresse vers le bas.

Chapitre 4 verset 4

Ce verset fait la relation des sept lettres avec l'espace, les trois dimensions avec leurs deux directions, sans oublier le Centre, connu comme "origine des cordonnées" en mathématique. Ce centre, origine et support, est appelé le Temple Saint, celui de Jérusalem. Rappelons que, d'après la Tradition, le Saint des Saints est construit sur une pierre…tombée du ciel! Le texte du verset précise ici que ce Temple supporte en les élevant toutes les directions de l'espace, représentatives des lettres.

Il y a aussi une correspondance entre les objets du Temple, les lettres redoublées, les directions de l'espace et les sept notions énoncées ci-dessus (voir tableau ci-dessous).

Chapitre 4 verset 5

Le verset précise le nombre de lettres redoublées qui sont aussi liées aux sept séfirot inférieures, pour dire qu'elles sont 7, et non 6, afin d'inclure "malkhout" ou Royaume, la dernière séfirah, celle en relation avec le monde matériel. Pour dire aussi qu'elles sont 7 et non 8, afin d'exclure la séfirah Binah ou Discernement, début du monde interdit à la pensée humaine. Ce verset est par ailleurs similaire au verset 1.4 (voir commentaire du chapitre 1).

Chapitre 4 versets 6/7

Les sept lettres redoublées sont rapprochées des trois subdivisions de l'univers en espace-temps-âme, en introduisant les étoiles-planètes dans l'espace, les jours dans l'année-temps et les sept ouvertures-issues de la tête dans l'âme (voit tableau).

Dans l'esprit de la Tradition, les sept planètes sont plus importantes que les douze signes du zodiaque; de même, dans le temps les sept jours de la semaine ont plus d'importance que les douze mois de l'année; et pour l'individu, les sept ouvertures de la tête sont supérieures aux douze organes du corps!

Chapitre 4 versets 8/14

Chaque verset met en exergue une des sept lettres redoublées, en la couronnant d'un "tag" et en la combinant avec un des éléments de l'univers, du temps (année), et de l'âme (ouvertures de la tête). Il faut méditer sur les tableaux récapitulatifs joints.

Chapitre 4 verset 15

Le "sept" est exalté dans ce verset comme une plénitude dans les univers et firmaments, terres et mers, rivières et déserts, jours et semaines, années et sabbatiques, les Jubilés et le Saint Temple. On y trouve trois fois les deux dimensions espace-temps, l'âme individuelle n'intervenant qu'à travers le Saint Temple, à la fois centre géographique et temporel et cœur d'une nation (voir tableaux récapitulatifs joints).

Les anciens considéraient qu'un nombre impair et notamment le 7 comme parfait; ceci du fait qu'ajouté à un carré il donnait un autre carré, selon la formule où le nombre impair s'exprime en arithmétique par l'expression 2n+1: n² + (2n +1)=(n+1)²

En ce qui concerne les univers, d'après la Tradition, il y aurait deux hypothèses, soit nous vivons le second et dernier univers, soit nous vivons le septième et dernier univers de 7000 ans. Mais d'après Ps 90/4, un jour divin correspondrait à 1000 années humaines, une année divine à 365 250 années humaines, un cycle de 7000 années divines à 2,6 milliards d'années (soit l'âge supposé de la terre) et sept cycles à 15,3 milliards d'années, soit l'âge supposé de notre univers selon les dernières théories.

Les noms des 7 firmaments et des 7 terres sont tirées aussi bien du Talmud que de la version longue de Séfer Yetsirah (voir tableau ci-dessous).

Les 7 jours correspondent à la durée des 3 montées vers le Temple de Jérusalem.

Les 7 semaines sont celles qui séparent la Pâque de la Pentecôte.

Les 7 années correspondent au délai fixé par la tradition pour un cycle de travail de la terre et de sa mise en friche.

Les 7x7 années du jubilé correspondent au délai pour libérer les biens et les personnes privées de liberté.

Les 7x7x7 années correspondent à une époque ou "ère" liée au Temple.

Les 7 bienaimés seraient les 7 niveaux d'évolution jusqu'à l'apparition de l'homme: soupe primordiale opaque (tohou), atome, molécule, minéral, végétal, animal, homme.

Chapitre 4 verset 16

Les pierres sont les lettres, les maisons sont les mots. Avec deux lettres, on ne peut faire que deux mots (gad et gad par exemple obtenus à partir de ghimel et dalet, soit 1x2=2). Avec trois lettres, on combine six mots (cf émesh ci-dessus, soit 1x2x3=6). Avec "n" lettres, on peut en faire 1x2x3x4x…n=n! (factorielle n).

Maintenant si par exemple on met une seconde pour prononcer un mot d'une lettre, deux secondes pour un mot de deux lettres etc…

• Pour les mots combinés à partir de n=3 lettres, on mettrait 18 secondes
• Pour n=7 lettres, on mettrait plus de 3 heures
• Pour n=12 lettres, on mettrait 63 ans!
• Au delà aucune bouche ne peut parvenir à énoncer tous les mots de son vivant et aucune oreille ne peut donc les entendre.

Pour 22 lettres, il y 10 puissance 21 mots soit le nombre d'étoiles dans l'univers. Selon le Talmud, chaque étoile a son propre nom.

Mais le mot le plus long de la Bible qu'on est susceptible de prononcer et de permuter n'a que 11 lettres (Esther 9/3); il est donc inutile d'aller plus loin sur le plan de l'homme, quelques semaines de méditation restant à sa portée.

LES LETTRES REDOUBLÉES

Relations avec le Temple

Relations avec l'espace, le temps et l'âme

Autres interrelations selon les qabalistes

Définition des concepts

Interrelations dans la version standard

Les sept chambres des univers

Albert SOUED – 28 mars 2001

Suite: commentaires du chapitre 5