LE MESSIE A LA CROISÉE DES CHEMINS (suite)

DANS LE JUDAÏSME

La liturgie rabbinique pendant l'exil

Saviez-vous qu'un jour ordinaire, un juif croyant évoque au moins trente une fois le Messie, aux trois prières, lors du qadish (prière pour l'âme du défunt) et lors des bénédictions d'état de grâces, après les repas? L'orant demande que sa venue soit rapprochée ou accélérée pour qu'il le voie de son vivant, dans le but de la restauration du royaume de David et du Temple et pour annoncer la venue du "monde à venir". A une prière matinale (yigdal élohim), il est demandé à D. qu'à la "fin des temps" il envoie le Messie pour délivrer tous ceux qui attendent cette fin pour leur salut, c'est à dire la résurrection des morts. Et cela dure depuis plus de 2000 ans.

Le talmud et les midrashim

Les écrits rabbiniques se sont étalés sur plus de dix siècles en Terre Sainte et surtout à Babel. La Tradition rabbinique offre des perspectives messianiques tellement larges qu'elles arrivent à être contradictoires. Ainsi le Messie pourrait être surnaturel et caché dans le Monde d'en haut, ou un roi déjà venu, ou un maître, ou un Juste de sa génération qui se révélera à l'improviste si Israël le mérite, ou en son temps, fixé et secret, dans le cas contraire. Il pourra être précédé par un autre Messie qui mourra, ou par le prophète Elie, ou même par les deux à la fois. L'apparition et la disparition de nombreux prétendants messianiques n'a guère changé la vie précaire et misérable des juifs à cette époque. De ce fait, on a créé un deuxième messie, celui-ci issu de Joseph, destiné à combattre et à mourir.

Le Messie pourra être aidé dans sa mission par une femme, H'éfzibah. Il se manifestera dans une situation de crise, de guerre, de désordre, de renversement des valeurs, ou dans une situation de calme, de paix et d'équité, ou dans une situation mixte. Il apparaîtra si l'étude et le repentir se généralisent sur terre, ou lorsque les âmes en attente dans le plérôme divin seront épuisées. Les temps messianiques sont des temps plus favorables, ou un âge d'or d'opulence et de justice tel que décrit par les prophètes, ou des temps spirituels appartenant au monde à venir. La variété des avis des maîtres montre qu'il n'y a pas de doctrine d'apparition du Messie. Celui-ci pourrait être aussi bien un homme particulièrement doué pour sortir Israël de l'exil ou l'humanité des nombreuses ornières où elle s'enlise, ou un être éthéré caché dans le ciel, l'âme d'un Juste attendant le moment propice pour s'incarner et se manifester. L'objectif en filigrane reste la croyance en un avenir meilleur et l'espoir que le monde ne reste pas figé dans l'injustice.

Maïmonide

La position de Maïmonide sur le Messie paraît ambiguë. D'un côté, son messie ressemble à un dirigeant éclairé et laïc et les temps messianiques reflètent une époque où la connaissance sera répandue, les inégalités réduites et où la science permettra d'améliorer le sort de l'homme et d'éloigner la mort. D'un autre côté, Maïmonide reste dans la stricte halakhah comme tout croyant soucieux de préserver sa foi et de la transmettre. Il attend le Messie qui va rétablir le peuple d'Israël dans ses droits bafoués. Comme à l'accoutumée, il cherche à ménager la chèvre et le chou. En fait cet homme d'exception qui fréquentait les cours les plus éminentes et les hommes de pouvoir, restait aussi à la portée du plus humble et du plus pauvre dont il soignait le corps et l'âme bénévolement. De ce fait sa position pouvait paraître ambiguë, car il était obligé d'avoir un langage adapté à son public pour se faire comprendre de tous. Mais en fait ses idées larges, généreuses et d'avant garde n'étaient pas en contradiction avec les croyances populaires. Aussi lettré et scientifique fut-il, il n'écartait pas la possibilité de survenue d'événements exceptionnels que la raison humaine ne peut comprendre, à la lumière des connaissances du moment, mais qu'un homme simple mais doué peut ressentir d'une manière intuitive.

Le Zohar et la qabalah de Louria

Le Zohar reste la base de la qabalah, tradition ésotérique juive. Louria (Ari) et Luzzatto (Ramhal) l'ont explicité, rationalisé, illustré, mis à la portée de leur temps mais la substance reste invariable. Le monde créé est imparfait. Ainsi, à titre symbolique, on avait pris l'habitude de laisser une partie de la synagogue qu'on construisait inachevée; de même, on déchirait une partie d'un habit neuf qu'on venait d'acheter. Mais ce monde peut être amélioré, sinon amendé, soit à travers une "téshouva" ou un retour individuel, soit à travers un retour collectif et messianique, à la fin des temps. Mais les deux voies ne sont pas exclusives l'une de l'autre.

La qabalah n'accorde pas de place prépondérante à un oint quelconque, le Messie restant une entité désincarnée ayant une place privilégiée au soleil du Paradis. Et les temps messianiques sont très voisins de la fin des Temps actuels et matériels. Ils annoncent déjà "la vie après la mort" ou le monde à venir. L'homme ordinaire peut tendre ici-bas vers cette vie éthérée et la goûter déjà en se comportant selon les règles bibliques ou mitsvot, notamment par la prière et par les bonnes actions. Le lettré peut avoir une vision ou un avant-goût de ce monde paradisiaque par la recherche et l'étude, en suivant les trente-deux sentiers de la Sagesse. Grâce aux Justes parmi les hommes, le monde n'est pas détruit. Mais la disparition définitive du Juste, assimilé à Joseph, et de là au Messie issu de Joseph, permettra l'unification et le rétablissement du nom divin. Le retour à l'unité est la fin de ce monde, et l'ouverture vers un monde différent, à venir.

Ces idées ont donné naissance à de nombreux messies, issus de Joseph, puisqu'ils meurent sans avoir changé le monde.

La qabalah a été vulgarisée par les illuminés de Safed à la fin du 16ème siècle et au début du siècle suivant. Mal comprise ou réadaptée par certains pour servir des desseins personnels, elle a donné naissance au phénomène sabbatéen. Mais cela faisait quinze siècles que l'on attendait un messie qui pourrait mettre fin à un exil de plus en plus insoutenable. On peut comprendre l'impatience des juifs et l'espoir démesuré mis dans des hommes qui se sont déclarés messies, puisqu'on a recensé pendant cette période près d'une vingtaine de messies qui ont plus ou moins marqué leurs contemporains, mais aucun autant que Shabetay Zvi et son prophète Natan. Ce tandem s'est constitué lors d'une rencontre insolite à Gaza.

Shabetay Zvi et la débauche

Au milieu du 17ème siècle, l'engouement démesuré et soudain pour un nouveau Messie serait dû à une conjonction de nombreux facteurs:

En fait, la tension de l'attente messianique véhiculée par la Tradition était trop importante eu égard à un environnement hostile, à un présent morose et à un avenir aux perspectives encore plus ternes. L'alchimie Shabetay-Natan a fonctionné et a expulsé toute l'émotion contenue dans cette tension. L'explosion a balayé toutes les inhibitions maintenues par des dirigeants communautaires, pas souvent à la hauteur, et a chassé tous les complexes et toutes les craintes vis à vis des Gentils. La ferveur s'est exprimée par des conduites extrêmes et irrationnelles, par des ascèses et des mortifications, suivies par des fêtes et des licences.

Natan de Gaza est devenu le prophète de Shabetay. Il a traduit la qabalah de Louria pour l'adapter aux besoins d'une cause particulière, inspirée de la folie de Shabetay et d'un environnement chrétien. Ses thèses étaient que les commandements devenaient caducs du fait de l'arrivée du messie, que toutes les licences étaient permises puisque le messie s'employait à combattre le mal là où il était. Et que son action allait faire revenir Jésus dans le berceau juif, rédimé des écorces du Mal.

Mais après l'apostasie de Shabetay Zvi à l'Islam, il a fallu adapter cette doctrine à la nouvelle situation. Petit à petit, à travers leurs diverses tribulations Shabetay Zvi et Natan de Gaza ont échafaudé une véritable doctrine de destruction de la foi juive, réussissant à y inclure cinq croyances hérétiques:

Le Messie du h'assidisme et de l'époque contemporaine

Après l'apostasie de Shabetay Zvi, une partie des "croyants" revint dans le giron du judaïsme ou quitta toute forme de religion. La masse des croyants d'Orient se convertit à l'Islam et se transforma rapidement en une secte, appelée "doenmeh" en turc (les apostats), qui survit encore aujourd'hui à Istamboul. Les croyants d'Occident, principalement en Pologne, suivirent les préceptes des successeurs de Shabetay Zvi, notamment Jacob Frank et se convertirent à la chrétienté, puis disparurent dans la masse polonaise, après la mort de leur Messie.

Devant ces mouvements ou sectes appelés "hérésie" par les tenants de l'orthodoxie, certains rabbins de Podolie comprirent que des secousses importantes étaient en train d'ébranler la foi du judaïsme et les fondements des faibles structures établies. Les règles halakhiques étaient trop strictes ou peu adaptées au contexte économique de pauvreté et à l'environnement social de mépris et de dénigrement. Le culte était trop contraignant, l'enseignement trop élitiste. Il fallait rénover une foi figée dans l'ascétisme morose de l'exil. Mais au lieu de s'opposer au Judaïsme et de l'attaquer de front, comme l'ont fait les sabbatéens, ces rabbins ont entrepris d'"humaniser" le D. d'Israël et de le rapprocher du peuple. Ils ne voulaient pas altérer l'essence du monothéisme, en se démarquant bien des théories de Shabetay Zvi et de Jacob Frank. Ils ont canalisé l'élan messianique provoqué par ces derniers, impliquant une Rédemption collective par un homme quasi-divin, vers un élan "pour soi", une Rédemption individuelle de chacun, petit à petit, dans tous les actes quotidiens. Ils étaient d'accord avec Louria pour "élever les étincelles" du bien mélangées aux "écorces du mal", mais point n'est besoin d'aller les chercher en enfer, avec le risque d'y rester! Car ces étincelles se trouvent partout autour de nous, dans toutes les activités de la vie, manger, parler, aimer…. A tout moment, par son action, chacun peut participer à sa propre Rédemption. Quand tout le monde sera conscient de cette nécessité et quand tous les êtres auront participé à cette élévation, alors viendront le Messie et la Rédemption collective tant attendus. Mais celle-ci est encore lointaine et point n'est besoin d'y penser! Ainsi ces rabbins ont désamorcé cette tension apocalyptique qui agitait les esprits du moment. Mais élever tout seul les étincelles n'était pas à la portée de chacun non plus!. Alors l'homme ordinaire peut être aidé dans sa tâche par un homme doué et juste qui jouera un rôle d'intermédiaire et de "facilitateur". Appelé "tsadiq" ou sage, cet homme a les capacités et la force morale de pouvoir descendre dans les écorces du mal ou dans la fange, pour aller chercher les pécheurs là où ils sont et les aider à s'en sortir. Mais contrairement à Shabetay Zvi et à Jacob Frank, le Tsadiq descend vers des hommes dans le péché mais ne descend pas lui-même dans le péché! Tout est dans la nuance. Dans ce nouveau processus toute notion de messie est canalisée à l'intérieur d'une évolution personnelle et progressive, avec l'aide d'un homme connu pour sa droiture et son pouvoir spirituel, le Tsadiq.

Ainsi le Messie c'est pour plus tard! N'y pensons plus! Allons consulter le Tsadiq, c'est là l'urgence! Cette tendance a néanmoins donné des messies de fait, plus ou moins formellement déclarés, des messies cachés. Ces messies cachés sont ceux qui ne se déclarent pas eux-mêmes comme messies, mais qui sont considérés comme tels par leurs élèves ou leurs émules.

Au dix neuvième siècle, il y eut des tentatives "libérales" pour éliminer des prières quotidiennes toute référence au Messie, sans succès. La notion de messie est mise sous le boisseau, au point que lors du congrès sioniste de Bâle de 1897, pour éviter toute confusion lors de l'annonce de la création éventuelle d'un foyer national juif, Max Nordau "écarte toute prétention messianique pour lui-même et pour son collègue Th. Herzl!"

La notion de Messie continue aujourd'hui encore, à être au centre des dissensions du Judaïsme ordinaire en Israël. Ainsi par exemple en 1998, un certain Rachlevski publie un roman "l'âne du Messie" (h'amoro shel mashyah') qui devient rapidement un "best seller", menant un véritable réquisitoire contre l'establishment religieux. En effet l'âne n'est pas celui qu'on croit, puisqu'il représente les juifs qui ont construit le pays au prix de leur sueur et de leur sang, pendant que ceux qui invoquaient le messie les regardaient faire et tiraient profit de leur travail ou de leur sacrifice. Injuste dans son extrémisme antireligieux et jetant de l'huile sur le feu, le livre a provoqué une énorme polémique à l'époque.

En février 1999, une importante manifestation à Jérusalem, provoquée par la redéfinition des pouvoirs de la Haute Cour de Justice, a réuni un israélien sur vingt, pendant quelques heures. D'un côté les manifestants récitaient des psaumes invoquant l'arrivée du Messie et de l'autre côté la foule chantait une chanson à la mode "Le Messie ne viendra pas!"

DANS LA CHRÉTIENTÉ

Il n'est pas question de retracer la vie de Jésus dans ce court exposé. Je retiens trois faits importants. Jésus avait une connaissance parfaite de la Torah; ne disait-il pas qu'"il fallait engraisser l'enfant avec la Torah, comme on engraisse un bœuf à l'étable"?

Jésus ne connaissait pas ou ne voyait pas son père dont l'identité n'est pas certaine. Jésus est constamment à la recherche d'un père et d'une identité. D'après des sources juives, ce père aurait été un résistant à l'occupation romaine. Voyant que ce genre de rébellion ne donnait aucun résultat, Jésus aurait recherché des méthodes différentes, plus pacifiques ou plus spirituelles, le verbe et l'appel à un père céleste qui viendrait le délivrer ainsi que son peuple. Et là nous arrivons au troisième point. Jésus n'aurait-il pas imploré sur la croix ce père divin "Elohi! Elohi! Lama sabaktani?" traduit par "Mon D.! pourquoi m'as-tu abandonné?". En fait il avait compris qu'il était pris au piège de sa croyance en une délivrance physique immédiate par ce père céleste et il lui demandait "pourquoi m'as-tu piégé, pris dans un filet?", traduction plus fidèle du texte araméen. Au moment de sa mort, manifestement il ne voulait pas mourir, car il avait encore le projet de réaliser le Royaume de D. sur terre!

Le dogme de la résurrection, institué par Paul et les nouveaux chrétiens vers le milieu du premier siècle, donne une nouvelle dimension à Jésus, qui, par ledit sacrifice de sa vie, remplace tout Israël pour sauver l'humanité du péché d'Adam. Jésus est alors devenu un Messie spirituel qui a jeté les bases d'une nouvelle alliance: il annule la révélation du Sinaï pour la remplacer par la sienne. Il est alors progressivement divinisé avec un nouveau dogme, avoir la foi en Jésus pour être "sauvé". Jésus se révélera de nouveau à la fin des Jours, avant le Jugement Dernier, assis à la droite de l'Eternel. Entre la Crucifixion et la Parousie, le monde n'est que transitoire, et ne durera pas.

Ainsi la nouvelle religion, dont le nom "chrétien" est prononcé pour la première fois en 44 à Antioche, adopte à la fois le nom de Dieu qui se serait incarné dans un homme, Jésus-oint ou "Yesous-christos", et le nom d'Israël, à travers une nouvelle alliance. Désormais le christianisme naissant est le "nouvel Israël" et les juifs non-croyants sont des hérétiques.

Entre la destruction du Temple et le dernier sursaut d'un judaïsme national, sanctionné par la mort de Bar Kosba, la population juive a été décimée par les Romains avec la perte de plus d'un million d'âmes. Cette catastrophe a été ressentie par le peuple comme une véritable volonté d'extermination par Rome. Au point où ils étaient rendus, les Judéens pouvaient accepter les règles d'une nouvelle religion monothéiste. Ils pouvaient accepter aussi bien la disparition du Temple, la cessation des sacrifices et la décentralisation du culte vers des synagogues, existant déjà depuis plusieurs siècles, l'allégement et la transformation des lois découlant de la Torah, et Jésus comme Messie. La plupart d'entre eux ont ainsi embrassé la foi nouvelle. Mais le dogme de la résurrection et de la déification de Jésus a achevé de sceller la rupture et la séparation claire et définitive entre ce qui restait du judaïsme et la chrétienté.

De plus, le rejet rapide du contenu de la Loi mosaïque par les disciples de Jésus ne permettait pas à cette minorité restée juive d'adhérer à la nouvelle révélation. Pour elle, Jésus rejoint les nombreux autres messies qui n'ont pas réussi à restaurer la gloire du royaume de David et de Salomon, dans son originalité, et qui sont morts tragiquement dans la violence. En considérant le nombre de tentatives avortées qui ont suivi Jésus, on peut se demander si la notion de messie est une nostalgie qu'on ne peut assouvir ou une utopie irréalisable dans ce monde. Ou peut-être aussi, comme disait Freud, elle ne serait qu'une pulsion de mort dont il faudrait se débarrasser. Si Jésus est en fait le Messie, le monde a-t-il changé dans le sens prédit par les prophètes, les morts ont-ils ressuscité, le mal a-t-il été vaincu, ou plus simplement le loup cohabite-t-il avec l'agneau?

Le retour ou la parousie de Jésus est prévue dans les Évangiles. Dans les croyances monothéistes issues du judaïsme, deux hypothèses principales existent pour la fin des temps et la résurrection des morts. Dans l'une d'elles, il y aura une première résurrection des élus ou des Justes qui ouvrira la voie à une époque de paix et de prospérité, limitée dans le temps, et appelée Royaume de Dieu sur terre. Pour la chrétienté, cette ère a déjà commencé avec la résurrection de Jésus. La deuxième résurrection appartient à tout le monde: elle commence par le Jugement Dernier et ouvre la voie au Royaume de Dieu au Ciel, monde de l'esprit ou "monde à venir", selon la terminologie juive. Dans la deuxième hypothèse ces deux royaumes sont confondus et les temps "messianiques" sont le prélude à la fin des temps de la Création.

Depuis Isaïe, les prophètes d'Israël ont largement décrit un univers idyllique qui suivrait l'exil et la destruction des empires, sans que l'on sache exactement si on pouvait l'atteindre dans notre monde matériel ou plus tard. Il était et reste pour beaucoup un projet ou un objectif à atteindre, même s'il paraît en partie utopique aujourd'hui.

Le royaume de Dieu est "révélé" dans des écrits appelés apocalypses. Celles-ci ont annoncé un règne qui devait apporter la gloire à Israël et leur perte à ses ennemis. Dans l'Évangile de Mathieu (chap 18/1-4) et dans l'Apocalypse de Jean, il est clair que Jésus reviendra pour régner sur ce Royaume pendant un millénaire, et pour Jean ce royaume est terrestre.

Pourtant dans l'Église issue du concile de Nicée en 325, les notions de messie et de parousie commencent à s'estomper progressivement. Elles font place à d'autres dogmes qui constituent l'ossature d'une organisation politique et religieuse plus préoccupée par un fort développement mondial et par la gestion de conversions massives (dogmes de Dieu incarné en Jésus, de la Trinité Père-Fils-Saint Esprit, de Marie mère de Dieu…). Le messianisme de l'Eglise réside désormais principalement dans le nom "christos" (oint en grec).

Ainsi pendant les premiers siècles où la chrétienté était persécutée et n'était pas assurée de sa pérennité, on attendait le retour imminent de Jésus. Comme elle tardait à venir, la parousie a été mise sous le boisseau à partir du cinquième siècle. Certes aucun concile, aucun dogme de l'Eglise n'a formellement proscrit la croyance en un "millénarisme" terrestre, mais une réserve s'impose, car ce retour prématuré est considéré comme un erreur d'esprits naïfs de l'antiquité.

L'apparition répétée d'hommes illuminés ayant une prétention messianique ou divine est néanmoins considérée par les autorités de l'Eglise comme hérétique. Au Moyen Age, à l'époque des premières Croisades, après plusieurs révélations, le quatrième concile du Latran en 1215 stipule que "Jésus reviendra à la fin du monde juger les vivants et les morts, rendre à chacun, bons et méchants, selon ses œuvres, ce qui lui est dû. Ils ressusciteront avec leur propre corps pour recevoir, les uns le châtiment éternel avec le diable, les autres la gloire sans fin avec le Christ"

Croyances et légendes s'emmêlant dans l'esprit du peuple chrétien, Jésus se devait pourtant de réapparaître plus tôt que prévu pour anéantir les forces impies dans la nature et installer ou restaurer une longue période de bonheur et de prospérité, préfigurant un retour paradisiaque. En effet, pour l'homme humble, il n'est pas possible que la mort, la maladie, la famine apportées par ces forces du Mal, règnent en permanence. Cela ne peut pas être le Royaume de D. sur terre! Il arrivera un moment où Jésus reviendra chasser la Bête, qui aura pris l'aspect d'un Antéchrist, image de Rome hier, d'un juif de la tribu de Dan depuis le Moyen Âge jusqu'à ce jour. Ces idées ont engendré de nombreux messies hauts en couleur pendant toute cette période, souvent des révolutionnaires en herbe;

Au début de l'année 1999, un téléévangéliste américain très connu et médiatique, Jerry Falwell annonce publiquement dans un de ses sermons télévisés que l'Antéchrist est déjà là et qu'il est Juif! L'émotion qu'il a suscitée était telle qu'il a été amené à apporter des éclaircissements à ses affirmations: "je regrette d'avoir tenu ces propos, non d'avoir manqué de foi, mais d'avoir manqué de tact et de jugement en annonçant un fait qui ne servait aucune fin". Une façon élégante de s'excuser sans se repentir de ses propos.

Fin de la 2ème partie

Troisième partie "Islam et conclusion"

Albert SOUED - janvier 2001