Etude du Zohar

 

MÉMOIRE ET OUBLI

 

La mémoire en hébreu est liée à la racine "zayin/khaf/resh" qui connote également la masculinité, comme si pour se remémorer des souvenirs il fallait "percer" sa matière grise. En tout cas "lizkhor" est lié à une activité de l'esprit.

L'oubli biblique est lié à la racine "noun/sine/hé" qui connote la féminité. Sur le plan symbolique, l'oubli se situe à gauche, du côté de la rigueur et de la passivité, comme si le cerveau jugeait les événements et les sensations et jetait ensuite certains d'entre eux dans une trappe-réceptacle.

 

Dans le Zohar la mémoire et l'oubli se déclinent essentiellement dans les rapports de l'homme avec D. et "se souvenir" est une prescription beaucoup plus importante qu'oublier (généralement la prescription est à l'inverse de ne pas oublier). On se souvient non seulement "pour garder en mémoire", cette percée d'aspect "masculin" ayant pour but d'observer, de prendre en considération, de garder, après avoir séparé la lie du vin, ce qu'on appelle en hébreu "shamor" ou shine/mém/resh, racine qui tient du féminin. Shamor vé zakhor sont les deux aspects d'une même unité, "observer et se souvenir" …                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               

 

D. se souvient de ses créatures

 

D. se souvient de Noé et des êtres vivant avec lui (I- 64a, 69b)

Un homme prudent s'écarte du mal quand il le perçoit. Noé a vu venir l'Ange de la Mort et s'est caché avec les siens dans l'Arche, attendant que le Mal s'éloigne après avoir sévi. Un homme prudent ne s'expose pas. Un homme juste n'expose pas ce qu'il possède à la vue des autres, que cela soit sa vertu, ses qualités ou ses biens. La bénédiction divine ne s'applique pas à ce qui est exposé, mais c'est plutôt le "mauvais œil"qui s'enclenche.

Caché ainsi dans l'Arche depuis un certain temps Noé risquait d'être oublié. Après le jugement du monde pervers et son châtiment à travers les pluies du Déluge, D. se souvient de Noé et des êtres vivant avec lui malgré qu'ils soient cachés. Ils finissent par sortir de l'Arche et ils sont sauvés.

 

D. se souvient de l'alliance de l'arc en ciel (I-72b)

L'alliance de l'arc en ciel promet que l'humanité ne sera plus détruite par un Déluge universel. D. se souvient de l'alliance de l'arc en ciel, en même temps que de la Rédemption d'Israël. Lors du retour d'exil des enfants d'Israël, annonciateur de la venue du Messie, l'arc en ciel brillera de toutes ses couleurs, comme une fiancée lors de sa nuit de noce.

 

D. se souvient d'Abraham (I-104a)

Tout acte de charité reste dans la mémoire de D. Abraham a montré sa générosité à l'égard de ses semblables, mais aussi à l'égard d'inconnus comme les 3 anges venus le visiter. Avant toute exécution d'un Jugement, D. donne l'occasion à un Juste de faire une bonne action de manière à le sauver lors du Jugement.

Avant la destruction de Sodome, D. se souvint du mérite d'Abraham pour sauver son neveu Lot. Dans ce cas, Abraham s'est substitué à son neveu dans les actions de charité dont D. s'est souvenu.

 

D. se souvient de Sarah et de Rachel (I- 115a & 159b)

Frôlant la stérilité, certaines matriarches avaient beaucoup de mal à être enceintes. D. est intervenu dans le cas de Sarah et de Rachel pour les rendre fertiles et l'Ecriture dit "qu'il s'est souvenu d'elles". Cependant la Bible emploie des termes différents pour chacune d'elle. Pour Sarah le souvenir est provoqué à travers la racine "paqad" (pé/qouf/dalet) qui signifie aussi bien "visiter" que "désirer" et "s'occuper de"… Pour Rachel, le verbe est "zakhor". Pourquoi cette différence? Rachel avait de la "chance", était née sous une bonne étoile, en fait elle était "femme" ou "féminine", ainsi le verbe "zakhor" qui tient du masculin lui est appliqué. En ce qui concerne Sarah, il y avait déjà eu une alliance avec Abraham avec une promesse d'une nombreuse progéniture et D. s'était déjà "souvenu" de cette alliance, par conséquent Sarah devait enfanter. Mais la stérilité de Sarah était liée à une forme de masculinité. Il fallait donc la visiter pour que certaines effluves d'en haut lui restituent sa féminité, d'où le verbe "paqad" qui tient du féminin.

 

D. se souvient de son peuple (II-9a & 19a)

Avant la sortie d'Egypte des enfants d'Israël, l'Ecriture dit que le roi d'Egypte était mort et que les enfants d'Israël poussèrent un soupir de soulagement, car ils étaient esclaves du Pharaon. Et ils pleurèrent et leurs cris furent entendus, ce qui signifie que jusqu'alors ils ne l'étaient pas. À la mort du Pharaon D. entendit les cris et les prières d'Israël et se souvint de lui.

Par ailleurs quand D. se souvient de ses enfants en Exil, "il verse deux larmes dans la Grande Mer" (lac de Tibériade) et l'on voit un rayon de feu s'engouffrer dans les eaux. Ces larmes de la rigueur (larmes salées, image de la destruction de la désolation)) qui contiennent le feu du Jugement sont adoucies par la Miséricorde des eaux du lac de la Sagesse. D. se souvient de ses enfants et compatit sur leur sort.

 

D. demande à ses créatures de se souvenir de certains événements ou actes

 

Trois événements sont favorables: la sortie d'Egypte après 210 années d'esclavage, puis le don de la Torah au Mont Sinaï et le commandement d'observer le shabat.

Trois événements ou actions sont défavorables: l'adoration du Veau d'or en l'absence de Moïse, la médisance de Miryam à l'égard de son frère Moïse, la haine d'Amaleq à l'égard d'Israël.

Ainsi par exemple l'observance de l'allumage des lumières du shabat incombe à la femme, image de la Shekhinah qui abrite la Lampe Céleste, celle des âmes à venir.

Procréant, la femme devient la mère d'une sainte descendance, lumière de l'étude et de la piété qui va briller et répandre la paix dans le monde (I- 48b)

 

Moïse demande à D. de se souvenir de l'alliance avec les patriarches

 

Et de ne pas sévir contre le peuple après l'épisode du Veau d'or. Toute rédemption d'Israël a lieu grâce au mérite des 3 patriarches, Jacob, Isaac, Abraham, avec lesquels une alliance a été conclue. Le complément à 4 est la promesse de se souvenir de la terre de Canaan, représentée par le roi David qui l'a conquise (II- 53a)

 

Par la prière, H'abaqouq demande à D. de se souvenir de la miséricorde au milieu de la rigueur de la colère

(II-45a). H'abaqouq priait puis, grâce à la musique, entrait en transe prophétique et s'adressait à D. lui demandant de faire preuve de clémence vis à vis des erreurs du peuple d'Israël et de le ramener de l'exil vers sa terre.

 

Moïse demande au peuple d'Israël de se souvenir de

 

L'esclavage en Egypte, de la sortie d'Egypte et de la traversée du désert (II-37b & 38a): shabat, fêtes et néoménies sont autant d'occasion de s'en souvenir. Ce souvenir est le fondement et la racine de toute la Torah, la base des commandements et la vraie foi d'Israël.

Cette rédemption du peuple a été nocturne, car le Saint Béni Soit-il exerce son jugement (ici celui de Pharaon) pendant la nuit; et c'est pendant la nuit que les nœuds de la sorcellerie (des prêtres égyptiens) sont défaits et que les liens de l'asservissement et de l'obscurantisme sont rompus. Mais le départ des Hébreux a commencé au lever du jour, afin que tous les Egyptiens puissent voir et s'émerveiller des actes de D.

 

De D., de son alliance et des épreuves qu'il a infligé au Pharaon

 

Des Anciens et des jours anciens (III- 298b): les jours anciens sont ceux de la création dont le seul but est l'acceptation et l'observance de la Torah; sinon le monde retournera au chaos d'où il vient.

 

De sonner du shofar pour implorer D. à se souvenir ou prier en groupe le qadish ( II-129b): la prière du qadish s'élève de tous côtés et dans toutes les sphères en Haut et en Bas, dans tous les aspects de la foi (séfirot ou attributs divins). Elle rompt les murs de fer et les sceaux puissants, ainsi que toutes les écorces et les défenses du Mal. Ainsi grâce à cette prière le Saint Béni Soit-il est plus glorifié et plus exalté qu'avec toute autre prière. Grâce à cette prière, l'Autre côté se dissipe et son empire décline. Elle est énoncée en araméen, langue de l'Autre Côté qui est foudroyé par la voix forte de la congrégation qui loue le Seigneur "Amen! Que son grand nom soit béni!" . Quand l'Autre Côté est vaincu et annihilé par la force de sainteté du qadish, le Saint Béni Soit-Il est exalté dans sa Gloire, et il se souvient alors de ses enfants ainsi que de son Nom.

 

Des patriarches

 

Se souvenir de quelqu'un ou de quelque chose

 

Abraham s'est souvenu de son neveu Lot

 

Le maître échanson ne s'est pas souvenu de Joseph (I- 193b): après avoir interprété favorablement un rêve du Maître échanson, son voisin de geôle accusé de comploter contre Pharaon, Joseph lui demande de se souvenir de lui et d'intercéder en sa faveur auprès du Pharaon. Il n'aurait pas dû le faire, car un Juste doit se fier à D. et non à un mortel. Le souvenir qui dépend de D. et non de l'homme s'est transformé en oubli. Et Joseph est resté deux ans en prison au lieu d'une année, un an de plus pour que Pharaon se souvienne de lui. Selon le Zohar, l'oubli est une zone d'ombre, d'obscurité, de fin de la lumière, frôlant la mort…

 

Joseph s'est souvenu de ses rêves (I-199b): quand, en Egypte, devenu ministre de l'économie, Joseph vit ses frères s'incliner devant lui (après lui avoir causé le tort que l'on sait), il se souvint de son rêve prémonitoire qu'il fit à l'époque, les onze gerbes de blé (ses frères) qui s'inclinent devant la sienne. Si un homme oublie un rêve important, il sera lui-même oublié, malgré que devant D. il n'y ait pas d'oubli. Un rêve oublié ne se réalise jamais, c'est pourquoi, on doit se souvenir de tout rêve de bonne augure. Joseph a gardé en mémoire ce rêve lié à ses frères, ne l'oubliant jamais, attendant qu'il se réalise et il s'est réalisé.

 

Dans le dénuement du désert, le peuple s'est souvenu de la nourriture d'Egypte

 

Ne pas oublier

 

Les événements ayant conduit au don de la Torah

 

D. et l'alliance avec D. (II- 26a): Zakhor, se souvenir est toujours lié à l'Alliance et à son signe, car c'est le début d'une prise de conscience du désir d'union avec les sphères supérieures

 

La Torah et les commandements (II-84a): celui qui oublie les mots de la Torah et ne cherche pas à les étudier pour s'en souvenir, c'est comme s'il oubliait D., car toute la Torah c'est le seul Nom de D. Il en est de même du signe de la sainte Alliance dont l'empreinte est en lui: celui qui observe ce commandement, c'est comme s'il observait toute la Torah.

 

La provocation du peuple dans le Mont H'oreb (le Veau d'Or)

 

D'effacer la mémoire d'Amaleq (II-66a): D. effacera le souvenir d'Amaleq dans le monde d'en Haut, et Israël doit l'effacer dans le monde d'en Bas. Amaleq est l'image du Mal absolu, sans rémission, en nous ou hors de nous. Il est à l'origine d el'adoration du Veau d'Or.

 

Les fautes commises (III-23b): comment faire savoir à un homme qu'il a commis un péché et qu'il ne s'est pas repenti, par vanité ou orgueil, jetant même son souvenir dans l'oubli. Le châtiment de la Communauté est là afin qu'il n'oublie pas le péché commis devant D. Alors son esprit l'amène à se repentir et à s'humilier en apportant un sacrifice. Un exemple est celui de David qui a commis un péché avec Bethsabé (batshewaa') et l'oublia. Malgré sa prière et son repentir, D. le lui rappela à travers son fils Absalon.

Plutôt que subir un châtiment, il est préférable qu'un homme puisse se réveiller dans la nuit pour étudier la Torah, car l'étude ui lui rappellera son péché, comme une mère gronde son fils; il se repentira alors devant son maître, au lieu d'oublier.

 

Pour ne pas oublier

 

Le livre du souvenir, celui d'Adam et de H'énokh (I- 37b; II-70b; II-200a & III-265a): il s'agit du livre des générations de l'homme. D. y a montré au premier homme toutes

les générations futures de l'humanité, tous les chefs et les sages de chaque génération. La mémoire du bien demeure de génération en génération autant que celle des actes répréhensibles.

Ce livre est  aussi le Livre de la Sagesse d'en Haut, apporté à Adam par le "Maître des mystères", précédé de 3 messagers. Il est passé ensuite entre les mains des "fils d'Elohim". Quand Adam fut expulsé de Gan E'den, il essaya de le garder, mais il s'envola de ses mains. Adam pleura suppliant D. de le lui rendre. Il lui fut rendu de manière que la Sagesse ne soit pas oubliée des hommes. L'être humain doit lutter pour obtenir la Connaissance de son Maître.

Selon la Tradition, H'énokh (Métatron) avait lui aussi un livre de même origine que le Livre du Souvenir. Quand D. le prit avec Lui, il lui enseigna les mystères d'en Haut, le sens de l'Arbre de vie au milieu du Jardin, le sens de ses branches et de ses feuilles. "Heureux les exaltés à qui la sagesse supérieure a été révélée et qui ne l'oublieront jamais ! Le secret de D. appartient à ceux qui le craignent et ce secret est la Connaissance du divin"

En fait, il y a deux livres, l'un supérieur, l'autre inférieur; ce dernier est le Livre du souvenir, le livre supérieur étant "ceci" (zot) et les deux sont liés dans "Ceci est le livre du souvenir". Certains disent que ce livre révèle le sens profond des traits humains, afin de parvenir à comprendre ce qu'est la nature humaine. Ainsi le caractère d'un homme peut être perçu dans ses cheveux, son front, ses yeux, ses lèvres, les traits de son visage, les lignes de ses mains et même à travers ses oreilles.

"Le livre du souvenir" est celui qui contient la vie d'en Haut et toute énergie qui s'en dégage, c'est l'Arbre de Vie, le monde intermédiaire des attributs divins, notamment le Fondement-Yésod et le Royaume-Malkhout qui forment une seule unité.

"Le Livre du souvenir" est concrétisé par 3 commandements, le port des phylactères et des tsistsit et la pose de la mézouzah à la porte, une manière de glorifier le Saint Nom. Celui qui y pense est accompagné par 4 anges jusqu'à la synagogue. Puis ces anges remontent auprès du Saint Béni Soit-Il et témoignent auprès de Lui. Son nom est alors inscrit dans "le Livre du souvenir". Les 4 archanges sont Michaël en souvenir d'Abraham, Gabriel, en souvenir d'Isaac, Nouriel en souvenir de Jacob et Raphaël en souvenir d'Adam; ce sont les 4 archanges qui accompagnent le bon penchant de l'être humain, celui de ce côté-ci de l'Arbre de Vie.

De l'Autre Côté, on trouve les 4 puissances du Mal, la Colère, la Destruction, la Dépravation et le Courroux (ou l'Impatience).

 

Oublier

 

Rébecca espère qu'Esaü aura oublié sa colère contre Jacob (qui lui a acheté son droit d'aînesse)

 

Le nom du fils de Joseph, Ménashéh est celui de l'oubli (des exactions commises par ses oncles contre son père Joseph)

 

Le maître échanson de Pharaon a oublié Joseph dans son cachot et n'a pas parlé de son aptitude à déchiffrer les rêves au Pharaon (voir ci-dessus)

 

Pharaon a oublié ce qu'a fait Joseph pour l'Egypte (II-7a): le nouveau Pharaon est en fait l'ancien qui, en prenant de nouveaux décrets contre le peuple d'Israël, a simplement oublié les bienfaits apportés par Joseph. Il se conduit vis à vis des Hébreux, comme s'il n'avait jamais connu Joseph son ministre Hébreu.

 

Les oubliés

 

Ceux qui entrent à Sodome et Gomorrhe (qui sont les villes où règne le péché)

 

L'oubli de soi (III-14b & 15a): pourquoi est-il écrit "les eaux de Noah" et non pas "les eaux du Déluge"? Quand une génération est perverse et qu'au milieu d'elle il existe un Juste, D. s'adresse à lui afin qu'il prie pour obtenir le pardon pour le reste de l'humanité. Or pour la génération de Noah, D. a promis de le sauver seul, détruisant le reste des hommes. À ce moment là tout Juste, s'il est un vrai juste, doit s'effacer, il doit s'oublier et épouser la cause de toute l'humanité, afin d'apaiser la colère de D. contre elle. Ce que fit Moïse pour sauver Israël qui a adoré le Veau d'Or. Quand D. dit à Noah "c'est la fin de toute chair…", Noah lui répond "et de moi que fais-tu?". La réponse de D. est la suivante "j'établirai une alliance avec toi, construis-toi une arche en bois de gopher…" Noah ne pria pas pour sauver l'humanité, préoccupé par lui-même. Les eaux envahirent la terre et détruisirent toute l'humanité, sauf Noah. C'est pourquoi on appelle ces eaux, "les eaux de Noah".

 

NOTA

 

Le texte en rouge concerne les citations du H'oumash (les 5 Livres de la Torah) liées au souvenir et à l'oubli. Les références concernent le texte du Zohar version Soncino en anglais.

 

Albert Soued - juin 2005

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