Symboles dans la Bible
Jeu
de Mots, Alphabet et Torah du Sinaï
Par Albert Soued, écrivain, http://symbole.chez.com pour www.nuitdorient.com
02/06/22
Il y a 300 000 ans, pour se faire comprendre de l’autre, Home Sapiens s’exprimait par des sons, puis par des mots.
Il y a 73 000 ans, dans le sud de l'Afrique, un homme primitif a gribouillé une forme sur une pierre. Cette pierre vient d'être mise au jour et serait le plus vieux dessin de l'histoire.
Les peintures sont apparues il y a 32 000 ans à la grotte Chauvet dans l’Ardèche. On en recense 400. L’Homme de Cro-Magnon utilisait les techniques du raclage préalable de la paroi pour obtenir une toile blanche, et l’estompage des couleurs.
Lionnes de profil
Il y a 5 000 ans, le plus ancien texte hiéroglyphique connu, sous la forme de dessins, a été découvert à Saqqarah en Egypte sur une stèle, où le nom du roi Téti est inscrit à maintes reprises dans une incantation magique, pour le faire ressusciter. La première écriture constituée d’un dessin a immortalisé le nom de ce roi Téti.
stèle du roi Téti à Saqqarah
& roi Téti roi Tétir
Les paroles ou les chants sont représentés par des images, puis par des dessins. On a d’abord écrit les noms propres sous forme d’un dessin représentatif, puis les noms communs. On estime à 5 000 le nombre de ces dessins représentatifs du langage égyptien. Il fallait un expert pour les connaître et les graver, un scribe.
Le roi-pharaon Narmer, l’écriture syllabique et le rébus
Des rois de Haute Égypte successifs ont progressivement annexé la Basse Égypte. Narmer est le dernier roi ayant terminé la conquête du delta du Nil ou Basse Egypte. On l’appela « pharaon », celui qui règne sur l’Egypte unifiée. Le pharaon Narmer et le pharaon Ménès, parfois considéré comme le successeur de Narmer, sont sans doute la même personne.
Le nom « Narmer » écrit en égyptien ancien est le dessin d’un « poisson-chat » appelé « nar » et celui d’un « burin » appelé « mer ». L’écriture est passée ainsi au stade « rébus ». Dans le sceau ci-dessous, le nom inscrit 3 fois est surmonté d’un canard.
Sceau du Pharaon Narmer-Menès
De 5000 dessins on est passé à 800 symboles syllabiques représentatifs de la langue (1).
L’écriture hiéroglyphique est un système d'écriture figurative : les caractères qui la composent représentent des objets divers, — naturels ou produits par l'Homme —, tels que des plantes, des figures de dieux, d'humains et d'animaux, etc.
Les égyptologues distinguent 3 catégories de signes ou pictogrammes:
- les signes-mots (ou idéogrammes), qui représentent un objet ou, par métonymie, une action ;
- les signes phonétiques (ou phonogrammes), qui évoquent un son (consonne, suite de consonnes ou voyelles) ;
- les déterminatifs, signes « muets » qui indiquent le groupe auquel appartient le mot (animal, outil, action, sentiment…), afin d’éviter la confusion du fait de l’homonymie.
Ainsi le dessin d’un canard est représentatif d’un animal, ^^^^ représente l’eau ou toute matière…
Le Sinaï et
l’écriture alphabétique
Il y a 3 850 ans à Serabit el Khadem (Mont du Serviteur), près d’une mine de turquoise, à une centaine de km au nord-ouest du Mt Sinaï, naît l’écriture alphabétique.
Les fouilles ont révélé des campements de mineurs, ainsi qu'un temple de « Hathor », la « Dame de la turquoise », déesse protectrice des régions désertiques. Le site était très fréquenté, vu le nombre important d’autels consacrés à Hathor, disséminés çà et là, tout autour du temple. On compte une douzaine de stèles.
Le temple de Hathor à Serabit-el-Khadem
Sur une des stèles, au Musée du Caire, on trouve l’image d’un personnage sur un âne, appelé Khebed, l’âne conduit par un autre homme. Ces hommes ne sont pas des Egyptiens, car un égyptien n’est jamais montré sur un âne, et ne porte pas d’habits colorés. Il porte toujours un pagne blanc. Ces hommes appartiennent à des tribus du Négev ou du pays de Canaan, appelé « Retenou » par les égyptiens (« Territoire, localité ou ethnie du nord »). L’image montre 37 personnes venues travailler dans les mines, faisant une offrande au roi local.
Ecriture
protosinaïtique (2)
En 1905, lors de fouilles, la femme de l’archéologue Petrie bute sur une pierre portant des inscriptions inconnues, en petit nombre. Ces inscriptions sont parmi les premières traces de l'alphabet protosinaïtique, dont sont dérivés l'alphabet phénicien et l’alphabet hébreu.
Inscription trouvée lors des recherches de
Petrie dans le Sinaï.
Sur le site de Serabit el Khadem, on a trouvé un sphinx de pierre, portant une double inscription, hiéroglyphique et protosinaïtique. Ceci a permis à l'égyptologue anglais Gardiner de déchiffrer ce système graphique en 1916. Le déchiffrement a montré qu'il s'agissait d'une dédicace « À Ba'alat, déesse de la turquoise ».
Hiéroglyphe :
aimé de Hathor déesse de la turquoise Protosinaïtique : aimé de Baa’lat déesse de la turquoise
Et Baa’lat est la déesse canaanéenne de la Bible, féminin de Baa’l.
Gardiner a proposé un lien avec la langue sémitique de Canaan, ou hébreu, à travers le système d'écriture "acrophonique" : chaque signe représentait un objet et se prononçait comme la première lettre du mot sémitique qu'il figurait. Ainsi le carré pouvait représenter le plan d'une maison, et se prononcer « b », car maison se dit "beth" en sémitique. En comparant les courtes inscriptions du sphinx de Serabit, il réussit à reconnaître dans les signes protosinaïtiques les lettres « B'LT » et le mot « baa’lat », qui signifiait « maîtresse », ou « déesse » et qui était l'équivalent féminin du dieu Baal. L'inscription complète fut assimilée aux lettres « M'HB'LT », et fut traduite par : "Aimé de la déesse Baa’lat"
Les pictogrammes disparurent ainsi au profit d'un petit nombre de phonèmes. Par exemple, le « aleph » qui signifie "boeuf" en hébreu, c'est-à-dire le A, représentait une tête de boeuf stylisée et renversée. Le « beit », ou maison en hébreu, c’est à dire le B représentait le plan d’une maison etc.. Cette forme d'expression constitue une étape intermédiaire avant l'apparition des alphabets sémitiques connus (3). Proche de l'hébreu ancien, elle constitue en réalité l'ancêtre indirect de notre alphabet.
L'alphabet protosinaïtique
Pour s’exprimer, on est passé de quelques centaines de symboles à 22/30 signes qui, rassemblés de différentes manières, couvrent l’ensemble d’un langage. Et ces signes adaptés couvrent l’ensemble des langages du monde. C’est ainsi que depuis le Sinaï, grâce au rébus et au jeu de mots, qui ont donné naissance à l’alphabet, la connaissance s’est diffusée dans toute l’humanité.
Les langages ont entre 100 000 et 200 000 mots. En Chine on a des centaines de milliers de mots exprimés par le dessin d’au moins 5000 caractères. Au Japon les 2 systèmes alphabétiques et syllabiques coexistent.
Il faut savoir que la Torah révélée au Mont Sinaï, exprimée en alphabet hébreu, est étudiée et interprétée depuis des millénaires par des maîtres érudits et des cherchants dans des groupes ou « yéshivot », avec des méthodes utilisant des jeux de mots.
Notes
1- Parallèlement à l’Egypte, en Mésopotamie on tenait des comptes gravés sur des palettes d’argile sous forme de tableaux. Puis on a utilisé ces palettes pour graver des pictogrammes, et de fil en aiguille on est arrivé au rébus pour écrire des noms, puis des mots. Ainsi le mot « beau » se dit « She-Ga », représenté par le dessin « orge-lait », she étant l’orge et Ga le lait.
palette d’argile sumérienne
2- Ecriture trouvée à Wadi el Hol, entre Thèbes et Abydos, il y a plus de 30 siècles
-
3- La Langue cananéenne est un groupe de langues sémitiques du nord, du centre ou du nord-ouest, comprenant l'hébreu, le moabite, le phénicien et le punique. Elles étaient parlées dans l'Antiquité sur la côte judéenne et syrienne et dans des colonies éparpillées notamment dans l’ouest méditerranéen. Une forme ancienne de cananéen est attestée dans les lettres de Tell el-Amarna, vers 1400 av. l’ère courante Le moabite, très proche de l'hébreu, n'est connu que par une inscription datant du 8ème s. av l’ère courante. La seule langue cananéenne vivante est l'hébreu, qui a connu un renouveau en tant que langue parlée depuis les 19ème et 20ème siècles.
Voir aussi
https://www.arte.tv/fr/videos/083905-001-A/l-odyssee-de-l-ecriture-1-3/
Hiéroglyphe |
Protosinaïtique |
Nom reconstruit |
Langue arabe15 |
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/ʔ/ |
ʾalp « bœuf » |
(ʾalif) |
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/b/ |
bet « maison » |
(bāʾ) |
بيت (bayt) « maison » |
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/h/ |
hll « jubilation » > he « fenêtre » |
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/k/ |
kaf « paume » |
(kāf) |
كف (kaff) « paume » |
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/m/ |
mayim « eau » |
(mīm) |
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/n/ |
naḥš « serpent » > nun « poisson » |
(nūn) |
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/ʕ/ |
ʿen « œil » |
(ʿayn) |
عين('ayn) « œil » |
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/r/ |
roʾš « tête » |
(rāʾ) |
رأس (ra's) « tête » |
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/ʃ/ |
sin « dent » |
(sīn) |
سن (sin) « dent » |
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/t/ |
tāw « marque » |
ت (tāʾ) |