LES SYMBOLES DANS LA BIBLE
LE BOUC ET LE BÉLIER
Le bouc et le bélier sont des mammifères qui apparaissent souvent dans la Bible et dont l'iconographie est relativement riche. Le bouc est représenté comme un émissaire dans le désert et le bélier comme un substitut de sacrifice humain lors de l'épisode biblique de la ligature d'Isaac, où il apparaît par miracle, ses cornes étant emmêlées dans un buisson. La corne de bélier est également réputée comme un instrument à vent utilisé dans le rituel juif à certaines occasions solennelles (voir chapitre "la corne de bélier")
Dans la vision de Daniel, le bouc et le bélier sont les images de pays ou de potentats de l'époque et de la région.
Ces deux mammifères sont considérés comme propres au sacrifice et, par conséquent, autorisés comme nourriture. Nous les rassemblons dans un même chapitre car tous les deux ont une image de fécondité et de force, voire d'agressivité. Ils font partie de la panoplie animale offerte en sacrifice à l'époque de la Tente d'assignation et du Temple.
Dans la société d'il y a 3 ou 4000 ans, au Moyen Orient, la possession d'un troupeau était un signe de richesse. Ainsi l'offrande d'un animal était équivalente à un don important, une séparation volontaire d'une partie de ses biens.
Par ailleurs le sacrifice humain était monnaie courante dans les sociétés païennes de cette époque et la société monothéiste biblique est venue apporter un peu d'éthique en préservant la vie humaine, notamment à travers l'exemple de la substitution d'un animal à l'être humain, dans la ligature d'Isaac, le fils qui devait être immolé par son père Abraham.
Il y a lieu de rappeler également que le bétail était élevé pour son lait, sa peau, ses poils, ses cornes et exceptionnellement pour la viande qui était réservée aux fêtes où on sacrifiait des animaux.
De multiples désignations
Le bouc a plusieurs désignations dans la Bible, les plus communes étant "séi'r" (sin/a'yin/yod/resh) c'est à dire chevelu, dont les équivalents numériques donnent le sens de démon (réshef), d'obscénité (réfesh)…
Une autre désignation est celle de la famille des capridés "e'z" (ayin/zayin), liée à un signe du zodiaque.
Enfin le mot "tayish" (taw/yod/shin) connote un animal renfrogné, voire borné.
Le bélier quant à lui est désigné par le mot courant de "ayil" (aleph/yod/lamed) qui signifie la force physique et la puissance génésique.
Le bouc ou son petit le chevreau et le bélier ou la brebis sont impliqués dans diverses situations de subterfuge.
D'abord les relations entre Jacob et son beau-père Laban. Jacob était amoureux de Rachel, fille de Laban. Mais Laban était un homme rusé qui voulait d'abord marier son aînée Léa, moins belle que Rachel. Jacob était supposé épouser sa bien-aimée, mais la nuit de noces sous l'instigation de son père, Léa se substitue à Rachel dans le lit nuptial. Jacob a dû attendre et travailler sept ans de plus au service de son beau père pour pouvoir prendre Rachel comme épouse. Pour se venger de son beau-père, Jacob utilise alors les mêmes méthodes de magicien-illusionniste que lui. Jacob propose à Laban comme salaire de son travail de ne garder du troupeau qui naît que les animaux "non unis, bruns, tachetés, pointillés…" Laban accepte ce marché apparemment avantageux pour lui, puisque ce type de naissances était exceptionnel. Pour que naisse des chevreaux non unis ayant la robe décrite, Jacob use d'un subterfuge faisant appel à l'illusion.
Genèse 30/37 à 43: "Or Jacob se pourvut de rameaux verts de
peuplier, d'amandier et de platane; il y pratiqua des entailles blanches, en
mettant à découvert la blancheur des rameaux. Il fixa les rameaux ainsi écorcés
dans les rigoles, dans les auges où le menu bétail venait boire et entrait en
chaleur en venant ainsi boire. Les brebis s'échauffèrent devant les rameaux et produisirent des agneaux rayés,
pointillés, mouchetés. Ces agneaux, Jacob les tenait à distance et il tournait
la face du bétail (uni) de Laban du côté des tachetés et des bruns… Or, à
chaque fois que les brebis se livraient avec ardeur à l'accouplement, Jacob
exposait les rameaux à leurs regards, dans les rigoles, afin qu'elles puissent
concevoir devant ces rameaux. Mais quand elles s'y livraient avec langueur, il
ne le faisait point, de sorte que les agneaux débiles (et unis) furent pour
Laban, les vigoureux pour jacob. Cet homme s'enrichit prodigieusement et acquit
du menu bétail en quantité…"
Rébecca, la femme du patriarche Isaac, eut des garçons jumeaux Esaü et Jacob, Esaü sortit le premier et par conséquent il était considéré comme l'aîné, avec des droits spécifiques. Esaü vendit à son frère Jacob son droit d'aînesse pour un plat de lentilles, un jour où il avait particulièrement faim. Mais il le regretta par la suite et il en voulait à son frère, au point de chercher à le tuer. Esaü était fort, vigoureux et velu. Jacob était doux et fidèle. Pour calmer son frère Esaü, Jacob lui offre du bétail.
Genèse 32/15: "deux cent chèvres et vingt boucs, deux cent brebis et vingt
béliers…."
Dans cette offrande les nombres 200, 20 et leur somme 220 ont un sens caché.
Cette nouvelle offrande qui va adoucir le cœur d'Esaü ( rokh = 220) compense l'échange fait avec le plat de lentilles et permet de retrouver la fraternité (ah'avah = 20). Mais Jacob récupère néanmoins la force de son frère (é'tsem = 200). Ainsi cette offrande de bétail exprimée dans la dualité est non seulement une fraternité retrouvée mais un échange entre la douceur de Jacob et la force d'Esaü.
Le troisième épisode concerne Joseph le fils bien aimé de
Jacob et de Rachel. Jacob offre à son fils préféré une tunique bigarrée. Ses
frères en sont jaloux. Ils attirent Joseph dans un piège pour s'en débarrasser.
Mais pour faire croire à leur père qu'il a été tué dans un accident, dévoré par
une bête féroce, ils imprègnent sa tunique du sang d'un chevreau. Genèse
37/31-33: "Ils
prirent la robe de Joseph, égorgèrent un chevreau et trempèrent sa robe dans
son sang. Puis ils envoyèrent cette robe longue qu'on envoya à leur père en
disant "voici ce que nous avons trouvé, examine si c'est la robe de ton
fils ou non". Il la reconnut et s'écria "c'est la robe de mon fils!
Une bête féroce l'a dévoré! Joseph! Joseph a été mis en pièces!"
Le dernier épisode concerne le fils aîné de Jacob, Juda et
sa bru Tamar. Il était d'usage à cette époque que la veuve d'un homme épouse
son frère, si ce dernier était célibataire à la mort de l'époux. Cette
pratique, appelée "lévirat" permettait d'assurer la continuité de la
lignée dans la famille. Or il se trouve que Tamar, la bru de Juda, était veuve
à deux reprises de deux fils de Juda et que ce dernier tardait à lui présenter
son troisième fils, de crainte qu'il ne meure lui aussi. Juda lui-même était
veuf. Alors Tamar se travestit en fille de joie et partit à la rencontre de
Juda. Genèse 38/15-17: "L'ayant aperçue, Juda la prit pour une prostituée, car elle avait
voilé son visage. Il se dirigea de son côté et lui dit "laisse-moi te
posséder". Car il ignorait que ce fut sa belle-fille. Elle répondit
"que me donneras-tu pour me posséder?" Il répliqua "Je
t'enverrai un chevreau de mon troupeau…"
Aux temps bibliques on pratiquait dans la Tente d'assignation et dans le Temple de Jérusalem cinq sortes de sacrifices ou offrandes.
Le sacrifice "gratuit" est une offrande qui élève l'âme et elle est appelée "holocauste" (o'lah).
Lorsqu'on commet un péché par inadvertance ou une faute en général, on procède à un sacrifice expiatoire. Cette "expiation" a le sens d'occulté (h'athat).
Le sacrifice pour compenser un délit précis est appelé "sacrifice délictif" (asham).
L'offrande de remerciements ou de "paix", appelée sacrifice rémunératoire, est un sacrifice complet ou entier (zévah' shelamim)
Il existe enfin un sacrifice particulier pour l'inauguration d'un lieu ou d'un événement (mlouot).
Sacrifices et offrandes concernent un animal (taureau, bélier, bouc, pigeon…), un végétal (une gerbe de blé…) ou un minéral (encens…).
Un bouc mâle sans défaut était choisi comme sacrifice d'expiation d'un péché par inadvertance commis par un prince ou un notable. D'une façon générale le bouc était lié à l'expiation d'une faute non définie, à certaines occasions, notamment aux néoménies et aux fêtes de pèlerinage.
Selon la tradition ésotérique de la qabalah, le bélier a été créé à minuit, le sixième jour de la création. Il a été le premier mammifère proposé au sacrifice "le bélier est prompt au sacrifice comme le Juste ou la colombe". Lors de la mise à l'épreuve d'Abraham qui devait sacrifier son fils Isaac afin de montrer son dévouement à Dieu, au dernier moment avant le geste fatidique, un bélier dont les cornes s'étaient emmêlées dans un buisson, est proposé pour se substituer à Isaac. La nouvelle éthique consistait à ne plus immoler d'êtres humains, comme boucs émissaires, ni des enfants à Moloch.
Le sacrifice humain est resté néanmoins dans l'inconscient collectif et de temps à autre un déchaînement cruel se produit çà ou là et qui ne peut être expliqué que par le phénomène d'expiation apaisante et primitive.
Généreux, agressif et obstiné, le bélier était donc proposé aux différentes formes de sacrifice, en dehors de l'expiation réservée au bouc. Le bélier était généralement sacrifié en holocauste ou en sacrifice rémunératoire de paix.
Bien que réputé pour sa force, le bélier est en fait une victime désignée et la proie facile des prédateurs. La qualité de sa chair, de sa toison et de ses cornes pourraient être à l'origine de ce destin.
Il était d'usage aux temps bibliques de marquer une nouvelle
alliance entre tribus par le passage simultané des deux partenaires, l'un
venant à la rencontre de l'autre, le long d'une ligne de partage entre les
demi-carcasses d'animaux sacrifiés, dans le but d'obtenir une paix scellée lors
de cette cérémonie. Genèse 15/9-10: "Il lui dit "prépare-moi une génisse âgée de
trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et
une jeune colombe. Abram prit tous ces animaux, divisa chacun d'eux par le
milieu et disposa chaque moitié en regard e l'autre; mais il ne divisa point
les oiseaux"
Pour expier les péchés de tout le peuple d'Israël, une fois
par an, le Grand Prêtre tire au sort deux boucs, à l'entrée du Sanctuaire.
Lévitique 16/7-10: "Et
il prendra les deux boucs et les présentera devant le Seigneur, à l'entrée de
la Tente d'assignation. Aaaron tirera au sort pour les deux boucs: un lot sera
pour l'Eternel, un lot pour A'zazel. Aaron devra offrir le bouc que le sort
aura désigné pour l'Eternel et le traiter comme expiatoire; et le bouc que le
sort aura désigné pour A'zazel devra être placé, vivant devant le Seigneur,
pour servir à la propitiation, pour être envoyé à A'zazel dans le désert."
À cette époque au Moyen Orient, le bouc barbu, velu, membru et cornu était considéré comme un animal inquiétant, en relation avec des forces obscures et magiques, perçues comme négatives. On pensait qu'il était le véhicule des "instincts débridés" des sorcières et qu'il avait des relations avec les femmes rituelles du Temple (Mendès-Egypte). En Egypte, en période de canicule ou de sécheresse, un bouc mâle sans poil noir, avec une marque sur la langue était choisi "pour qu'on puisse dévier le Mal vers sa tête", le Mal qui autrement devait s'abattre sur le pays. L'animal était emmené en silence en un lieu obscur par le prêtre qui le terrifiait. En cas de persistance de la calamité, l'animal était sacrifié.
Devant le Temple, un bouc était offert à l'Eternel en sacrifice expiatoire; l'autre, vivant, était envoyé dans le désert. Il recevait sur sa tête toutes les iniquités, les offenses et les péchés du peuple. Il était expulsé avec le mal hors de la communauté, l'emportant avec lui vers A'zazel.
Le mot A'zazel du texte du Pentateuque a intrigué plus d'un. Il désignerait le rocher à partir duquel le bouc était lancé le jour de l'expiation.
A'zazel peut se décomposer en deux mots "a'z" et "el" qui donnent le sens de force, de fermeté, de puissance. L'explication la plus cohérente viendrait des mots "a'z" et a'zel", s'en aller vers l'éternité, affaibli et impuissant. Il y aurait ainsi un échange ou une transformation force-faiblesse.
Du fait de ses relations avec les forces obscures, qui sont appelées "autre côté", côté des mauvais instincts, la force du bouc est donnée en pâture à ce Satan-serpent du Mal pour l'occuper, pour l'éloigner des hommes, pendant qu'on récupère les forces du bien. Éloigné ou séparé du Mal, l'homme se bonifie et se renforce.
Le sacrifice du premier bouc est donc destiné à calmer la colère divine. En réalité, il apaise les pulsions agressives des hommes. Ce bouc expiatoire transforme la force brutale de l'homme en faiblesse, au sens de mansuétude. À l'inverse, le bouc émissaire débarrasse les hommes de leurs "faiblesses" dues au mal pour libérer les forces du bien cachées en eux, afin qu'elles puissent agir. Envoyé dans le désert, il va occuper A'zazel. À travers les deux boucs, il y a une transmutation entre rigueur et miséricorde, entre faiblesse due au mal et force du bien, dans le but de trouver la voie de l'équilibre, celle du milieu.