LES SYMBOLES DANS LA BIBLE
LES RÊVES ET LES VISIONS DE BILAA'M
Sous la houlette de Moïse, Israël s'achemine vers la Terre Promise, à travers les méandres des déserts. Le peuple demande au roi Amorréen Sih'on l'autorisation de traverser son territoire.
Nombres 21/22:
"Je voudrais passer par ton pays.
Nous ne traverserons ni champs ni vignobles, nous ne boirons point de l'eau des
citernes; nous irons par la route royale, jusqu'à ce que nous ayons passé ta
frontière."
Non content de refuser ce passage, Sih'on rassemble ses forces pour livrer bataille à Israël qui le vainquit et récupéra tous ses territoires, même ceux qu'il avait pris à Moab, du Yaboq au sud jusqu'à l'Arnon au nord. O'g, roi de Bashan, ayant également refusé le passage de son territoire, celui-ci fut conquis.
Israël campe à Moab, sur le Jourdain, face à Jéricho et à la Terre Promise. Après avoir défait les princes madianites, Balaq était devenu roi de Moab.
Balaq était le petit-fils de Yitro, prêtre de Madian, beau-père de Moïse. Seul membre de la famille à ne pas s'être converti à la foi monothéiste, il s'adonnait à la magie et il était un adepte de l'oiseau Yadouaa', en ce sens qu'il prophétisait en fonction des cris, de la trajectoire et du battement d'ailes de certains oiseaux. Balaq ne voulait pas, non plus, de la présence même momentanée d'Israël sur son territoire, craignant une influence de la foi nouvelle sur ses sujets. En revanche, il savait qu'il ne pourrait pas lui livrer bataille sans être défait. Il savait aussi que Moïse et son peuple tenaient leur force de leur "bouche", c'est à dire de la prière et de la "parole reçue". Il fallait donc qu'il trouve un spécialiste de la "parole" pour s'opposer à Israël, quelqu'un qui puisse, par la parole, vaincre Israël, c'est-à-dire le maudire.
Pourtant Balaq savait qu'il n'avait rien à craindre d'Israël, Dieu ayant interdit à celui-ci d'attaquer et d'occuper Moab. Balaq demanda conseil aux princes madianites qui connaissaient le pouvoir de Moïse. Ils l'orientèrent vers le magicien Bilaa'm, petit-fils de Laban.
Bilaa'm avait déjà des références, puisqu'il avait prophétisé avec succès que Balaq deviendrait roi de Moab, bien qu'il ne fut pas un prince de descendance royale. Bilaa'm avait surtout une haine farouche et irraisonnée des Hébreux. Jusqu'à ce jour, les ennemis du peuple hébreu se sont opposés à lui par la guerre et, quand ils l'ont défait, l'ont emmené en captivité. En dehors de Laban l'Araméen, qui voulait détruire la tribu de Jacob, aucun ennemi n'a eu le projet, comme Bilaa'm, de déraciner la nation et de la détruire, par le verbe "magique" ou la malédiction.
Bilaa'm exerçait un métier lucratif et se déplaçait en permanence entre Aram, la Chaldée et l'Ethiopie, proposant ses services au plus offrant. D'après la Tradition, Bilaa'm était un des conseillers de Pharaon et il avait à un moment conseillé à celui-ci de se débarrasser des premiers-nés hébreux en les jetant à l'eau et en les noyant. Pris par le vertige de son pouvoir, Bilaa'm voulait ainsi se mesurer à l'Eternel des Hébreux. En rendant un arrêt de mort, par l'eau, à la descendance du peuple d'Israël, il croyait pouvoir échapper à la vengeance de l'Eternel. En effet, après le déluge qui détruisit une humanité perverse, Dieu avait promis que celle-ci ne périrait plus par l'eau. En fait, Bilaa'm n'avait pas saisi le sens précis de cette promesse qui s'adressait à l'humanité dans sa globalité, mais pas à un homme ou à un groupe d'hommes en particulier. Ainsi Pharaon et ses troupes furent engloutis par les eaux de la Mer Rouge qui s'étaient refermées sur eux, après le passage des Hébreux.
Pharaon avait un conseil de trois spécialistes pour interpréter les songes et les signes comprenant Bilaa'm, Jétro et Job. Une nuit, ayant fait un rêve inquiétant, "il avait vu la chute de son empire provoquée par un seul agneau", Pharaon appelle en consultation Bilaa'm. Celui-ci explique le cauchemar, en annonçant la naissance prochaine d'un libérateur des Hébreux, libération qui allait entraîner des bouleversements terribles en Egypte. Interrogé sur les mesures à prendre, Bilaa'm conseilla à Pharaon d'extirper le péril à la base, en faisant périr par noyade tous les premiers-nés hébreux. Bilaa'm connaissait l'histoire et savait que la mort par l'eau était son dernier recours, les ennemis d'Israël ayant essayé sans succès le feu, le glaive et les corvées accablantes.
Parmi les bébés jetés à l'eau, l'un d'eux fut récupéré par une des filles de Pharaon, Batyah, et élevé au palais. Un jour, assis sur les genoux de la princesse, près de Pharaon, il s'empara de la couronne et la mit sur la tête. Y voyant un signe, Pharaon demanda l'avis de son conseil. Rappelant son rêve à Pharaon, Bilaa'm demanda la mort de l'enfant qui avait comme nom Moïse ("sauvé des eaux"). Job ne souhaita pas prendre position à propos de ce signe. Jétro proposa de mettre l'enfant à l'épreuve et de lui présenter un choix entre deux possibilités, un plateau de pierres précieuses et un plateau de charbons ardents. S'il choisit une pierre, il montrait le signe précoce d'une avidité de pouvoir et il menaçait Pharaon; dans ce cas, il fallait alors l'exécuter. Dans l'alternative, il devait être sauf. Mû par son ange-gardien, Moïse choisit de se brûler la langue en portant à sa bouche un charbon ardent. Depuis ce jour, Moïse garda une lourdeur dans la parole et Bilaa'm lui voua une rancune tenace.
A l'appel de Balaq, Bilaa'm crut le moment venu d'assouvir sa haine à l'égard de cet homme qui l'avait ridiculisé par son choix. Il était d'autant plus assuré de son succès qu'il avait appris les techniques de sorcellerie de nombreux pays dont Aram et la Chaldée. Il avait appris à chasser les démons et les mauvais esprits par l'exorcisme; mais il pouvait aussi démoniser quelqu'un ou un groupe de personnes, en les ensorcelant. Néanmoins réaliste, il reconnaissait les prodiges réalisés par le Dieu d'Israël. Se posant en rival, par la folie du pouvoir, il n'avait pas adopté l'Eternel dans sa panoplie spirituelle de dieux et d'idoles des pays environnants, sans doute plus lucratifs.
Nombres 22/5.6:
(Les messagers de Balak dirent aux
anciens de Madian: )..."Un peuple est sorti d'Egypte; déjà il couvre la face du pays, et il est
campé vis-à-vis de moi. Viens donc, je te prie, et maudis-moi ce peuple, car il
est plus puissant que moi: peut-être parviendrai-je à le vaincre et le
repousserai-je du pays. Car, je le sais, celui que tu bénis est béni, et celui
que tu maudis est maudit."
"Balaq" a comme sens en hébreu, "sans nuque", cet homme devant avoir un petit cou, comme si sa tête était vissée sur son corps. Un autre sens est "sans humour". "Bilaa'm" a comme sens "sans peuple" ou "sans racine", mais aussi "celui qui avale l'eau", sans doute un tour de sorcier, mettant en oeuvre de l'eau. Les noms de ces hommes, réunis, donnent "mélange profond". En effet, en se partageant les rôles, ces deux hommes avaient pour but de confondre Moïse et son peuple par "la parole", en les attaquant dans leur point fort. Bilaa'm, maître de la parole maléfique devait proférer une malédiction. Balaq, maître de la magie noire, devait réaliser en acte cette malédiction. Mais les objectifs des deux hommes étaient différents: Balaq voulait qu'Israël quitte son territoire et Bilaa'm voulait l'expulser de la surface de la terre.
Nombres 22/7.12:
"Les anciens de Moab et ceux de Madian
partirent, munis des honoraires de la divination, et, arrivés chez Bilaa'm, lui
transmirent les paroles de Balaq.
Il leur répondit : "Restez ici
cette nuit, et je vous rendrai réponse selon ce que l'Eternel m'aura dit."
Et les princes moabites restèrent chez
Bilaa'm.
Dieu aborda Bilaa'm, en disant :
"Qui sont ces hommes-là chez toi ?"
Bilaa'm répondit à Dieu : "C'est
Balaq fils de Cippor, roi de Moab, qui m'envoie dire : "Déjà ce peuple,
sorti de l'Egypte, a couvert la face du pays. Viens donc, maudis-le moi ;
peut-être pourrai-je l'attaquer et l'expulserai-je."
Dieu dit à Bilaa'm : "Tu n'iras
point avec eux. Tu ne maudiras point ce peuple, car il est béni !."
Bilaa'm vient d'avoir son premier rêve qu'il interprète lui-même dans un sens négatif, eu égard à ses projets. Prudent, il éconduit les émissaires de Balaq qui rentrent bredouille. Balaq ne se décourage pas, pensant que son offre n'était pas assez attrayante.
Devant de nouvelles propositions alléchantes, Bilaa'm interprète son propre rêve dans un sens plus positif pour ses projets, puisque Dieu lui donne l'autorisation de partir avec les émissaires. Ayant mis à l'épreuve Bilaa'm, Dieu fut courroucé de son départ. Bilaa'm rencontre un ange sur la route.
Nombres 22/21.35:
"Bilaa'm se leva le matin, sangla
son ânesse, et partit avec les princes de Moab. Mais Dieu étant irrité de ce
qu'il partait, un ange du Seigneur se mit sur son chemin pour lui faire
obstacle. Or, il était monté sur son ânesse, et ses deux jeunes esclaves
l'accompagnaient. L'ânesse, voyant l'ange du Seigneur debout sur son passage et
l'épée nue à la main, s'écarta de la route et alla à travers champs ; Bilaa'm
frappa l'ânesse pour la ramener sur la route. Alors l'ange du Seigneur se plaça
dans un chemin creux entre les vignes, - clôture deçà, clôture delà. L'ânesse,
voyant l'ange du Seigneur, se serra contre le mur, et froissa contre le mur le
pied de Bilaa'm, qui la frappa de nouveau. Mais de nouveau l'ange du Seigneur
prit les devants, et il se plaça dans un lieu étroit, où il n'était possible de
s'écarter ni à droite ni à gauche. L'ânesse, voyant encore l'ange du Seigneur,
se coucha sous Bilaa'm; enflammé de
colère, Bilaa'm la frappa de son bâton.
Alors le Seigneur ouvrit la bouche de
l'ânesse, qui dit à Bilaa'm : "Que t'ai-je fait, pour que tu m'aies
frappée ainsi à trois reprises ?"
Bilaa'm répondit à l'ânesse :
"Parce que tu te joues de moi! Si je tenais une épée, certes, je te tuerai
sur l'heure!"
Et l'ânesse dit à Bilaa'm : "Ne
suis-je pas ton ânesse, que tu as toujours montée jusqu'à ce jour ? Avais-je
accoutumé d'agir ainsi avec toi ?"
Et il répondit : "Non."
Soudain, le Seigneur dessilla les yeux
de Bilaa'm, et il vit l'ange du Seigneur debout sur la route, l'épée nue à la
main; il s'inclina et se prosterna sur sa face.
L'ange du Seigneur lui dit :
"Pourquoi as-tu frappé ton ânesse par trois fois ? C'est moi qui suis venu
me poser en obstacle, parce que ce voyage a lieu contre mon gré. Cette ânesse
m'a vu, et elle s'est écartée à mon aspect, trois fois ; si elle ne s'était
écartée de devant toi, assurément je t'aurais fait mourir, tandis que je
l'aurais laissée vivre."
Bilaa'm répondit à l'ange du Seigneur :
"J'ai péché, parce que je ne savais pas que tu fusses posté devant moi sur
le chemin;
et maintenant: "Va avec ces hommes
! Et cependant, la parole que je te dicterai, celle-là seule tu la diras."
Et Bilaa'm poursuivit sa route avec les
officiers de Balaq."
Dieu mit à l'épreuve Bilaa'm trois fois. Pris entre sa haine de Moïse et sa cupidité, Bilaa'm resta aveugle devant ce qui était lumineux à son ânesse. D'après la Tradition, cette ânesse n'était pas seulement sa monture mais également sa compagne. Malgré leur intimité, il la battit trois fois pour se frayer son chemin. En revanche, il n'était pas étonné qu'elle lui parle, pensant qu'il avait réussi un de ses sortilèges.
Le mot employé en hébreu pour désigner l'ânesse est "aton" qui a comme sens sur le plan symbolique "signe de la connaissance d'en-Haut". Dans de nombreuse traditions, l'âne blanc est la monture des Immortels. Dans le Judaïsme, elle est celle du Messie. Patiente et courageuse, l'ânesse de Bilaa'm instruit le "grand magicien d'Aram" et l'avertit de la présence d'un ange. Il finit par voir cet ange, l'Ange de la Mort, l'épée nue à la main. A sa vue, Bilaa'm s'excuse de son entêtement et de son aveuglement et déjà, il renonce à son projet de maudire Israël, d'autant plus que son ânesse, ayant rempli sa mission, expirait après avoir fini de lui parler.
Bilaa'm n'ose pas dire à Balaq qu'il renonçait définitivement à son projet. Peut-être espérait-il un secours impromptu qui serait venu de ses sciences occultes? Balaq devine la situation et il propose à Bilaa'm de changer de tactique et de proférer une malédiction globale où la nation d'Israël serait mêlée aux autres nations. Bilaa'm lui explique qu'Israël vit à part, en solitaire, aussi bien dans la joie que dans le deuil et ne peut être inclus dans un ensemble.
Balaq entraîne Bilaa'm successivement sur trois sites où il lui montre qu'Israël va pécher et contrevenir aux lois de l'Eternel. C'est donc le moment d'intervenir, mais Bilaa'm a encore dans son esprit la vision de l'Ange de la Mort et il n' a plus la force de maudire Israël. Devant l'insistance de Balaq, il transforme même son projet de malédiction en bénédiction effective!
D'après un ancien adage "personne ne veut d'une guêpe, ni de son dard, ni de son miel". Il eut mieux valu pour Israël, que Bilaa'm ne prononçât pas de bénédiction, car son intention profonde était contraire et ses paroles étaient pleines de malédictions non exprimées. Par ses paroles mielleuses et bienveillantes, il souhaitait éloigner l'Ange de la Mort, mais celui-ci le rattrapa à trente-trois ans: il mourut par le glaive avec cinq princes madianites. Il mourut avec vingt-quatre mille hébreux qui furent tués après avoir forniqué avec les filles moabites et s'être prostitués au dieu Baal-Péor dans la forêt de Shithim. Le piège tendu par Bilaa'm, avec sa bénédiction, a ainsi partiellement réussi.
La Tradition rapporte la fin de Bilaa'm, de la manière suivante. Par les artifices de la magie, Bilaa'm réussit à planer au-dessus du sol, avec l'aide de ses fils Jannès et Jambès. Quand le grand-prêtre Pinh'as lui montra une plaque en or étincelant, sur laquelle étaient gravés les mots "saint, consacré au Seigneur", Bilaa'm ne put rester suspendu en l'air et retomba au sol. A cet instant, Tséliah, un membre de la tribu de Dan, l'exécuta avec son épée.
Bilaa'm est l'exemple du prophète mercenaire, irrécupérable malgré ses velléités de repentir. Il se différencie des prophètes qui ne cherchent pas à être prophètes, dans le fait que ceux-ci préviennent et empêchent les transgressions morales, tandis que Bilaa'm est en conflit permanent avec l'ordre moral.
On dit aussi que Bilaa'm recevait l'inspiration, de nuit, par paraboles, prostré et étendu par terre, les yeux ouverts.